Annales des Mines (1909, série 10, volume 16) [Image 38]

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LES

CATASTROPHES

MINIÈRES AMÉRICAINES

des matériaux, une troisième était chargée d'apporter aux travailleurs des aliments et boissons. Un service de police fut organisé à toutes les entrées des deux mines. Les sauveteurs ne pénétraient qu'avec des lampes de sûreté, après avoir donné leur nom et avoir reçu un jeton numéroté. Un service téléphonique fut organisé avec des lignes pénétrant, dans le numéro 6, jusqu'à la base du plan incliné et, dans le numéro 8, jusqu'au point d'avancement des travaux. Les travaux d'exploration se continuèrent sans que l'on rencontrât un seul homme vivant. Cinq ouvriers seulement avaient échappé à la catastrophe. Quatre d'entre eux travaillaient tout près d'un trou d'affleurement, veis l'extrémité de la secondaire 1 Sud de la mine 8, en un point où ils furent à l'abri de la chasse d'air qui parcourut cette secondaire en éventrant la colline à l'orifice. Aussitôt après, ils purent sortir par l'ouverture élargie. Le cinquième rescapé gisait à proximité d'un autre orifice d'affleurement dans le quartier 1 Est de la secondaire 2 Nord de la mine 8. Vers quatre heures de l'après-midi, le 6 décembre, c'est-à-dire près de six heures après l'accident, un gardien qui avait été placé dès le début à l'orifice d'affleurement pour interdire l'accès de la mine, entendit des gémissements. Un homme fut descendu avec un câble dans le trou d'affleurement et trouva deux ouvriers, l'un vivant, mais l'esprit égaré, l'autre agonisant. Ce dernier mourut peu après; le premier survécut, mais ne retrouva ses facultés mentales que bien des semaines après l'accident. Sitôt qu'au cours des explorations un corps était découvert, on le désinfectait au phénol; on fixait sur lui une fiche numérotée avec toutes indications propres à faciliter l'identification. Le corps était enveloppé dans des toiles et transporté jusqu'au jour. Les hommes chargés de ce travail portaient des gants de caoutchouc.

DE MONONGAH,

DARR ET NAOMI

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Les cadavres de chevaux étaient désinfectés avec une solution concentrée de phénol, ou par la chaux et le chlorure de chaux; ils ne furent enlevés qu'ultérieurement. Tous les corps rencontrés sur les voies principales étaient gravement mutilés et pour ainsi dire en morceaux. Mais au front des chantiers, dans les chambres, on les trouva dans toutes les conditions possibles ; les uns, ni brûlés, ni blessés, avaient le pic en main, dans l'attitude du travail; d'autres étaient assis, la tête penchée, les mains sur la figure. Dans les voies de roulage des quartiers, les effets étaient presque toujours plus violents ; un corps avait été projeté contre le front d'avancement avec une telle force qu'il y était resté fixé et aplati. Ce travail d'exploration et de sortie des cadavres, que l'étendue des deux mines rendait nécessairement assez long, fut souvent arrêté par le mauvais air, qui piquait les yeux, causait des maux de tête et des nausées. Les éboulements entravaient la marche, principalement dans le numéro 8, oùletoit est moins bon. Les cars brisés étaient parfois enchevêtrés de telle manière qu'on ne pouvait se frayer un passage qu'avec la hache et la scie. Enfin la chaleur était intense et l'odeur des cadavres insupportable. Un troisième feu fut découvert le 11 , dans le numéro 8, secondaire 2 Nord, quartier 3 Est, chambre 3. Il avait couvé pendant cinq jours et était devenu tout de suite très vif à l'arrivée de l'air frais. Il put être aussitôt combattu et éteint. Malgré ces difficultés, on put amener au jour de vingtcinq à cent corps par poste de huit heures, et la première exploration, avec enlèvement des corps accessibles, fut terminée, pour le numéro 6, le 12 au matin, et, pour le numéro 8, le 12 au soir, soit six jours après la catastrophe. A cette date, la ventilation avait été rétablie vers tous les quartiers ; les voies ferrées avaient été rendues