Annales des Mines (1907, série 10, volume 12) [Image 16]

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ÉTUDE SUR L'INDUSTRIE DU FER

DANS LES ARDENNES FRANÇAISES

dans la crainte d'un conflit qui, au moment de l'Exposition de Paris, leur aurait été très préjudiciable. Donc, à partir du 1 er avril 1900, on ne travailla plus que onze heures, au lieudedouze, et on ne baissa pas les salaires. Le 1 er avril 1902, l'application de la deuxième partie de la loi imposait aux usines de ne plus travailler que dix heures et demie. A cette époque, les travaux étant devenus plus rares, les industriels n'étaient plus dans d'aussi bonnes dispositions qu'en 1900, et ils refusèrent aux ouvriers de payer pour dix heures et demie la même somme que pour douze heures. Ils décidèrent d'établir des salaires à l'heure basés sur l'ancienne journée de douze heures, c'est-à-dire qu'un ouvrier gagnant 6 francs 6x101/2 avant 1900 ne devait plus toucher que • ,^ ' =5fr. 25. 12 Dans ces conditions, on retirait donc aux ouvriers l'avantage qui leur avait été conféré lors de la première application de la loi. Les ouvriers ne voulurent pas accepter ces conditions ; il en résulta une grève générale. Après six semaines de pourparlers, les deux parties se mirent d'accord aux conditions suivantes : Durée du travail : dix heures (la loi accordait bien dix heures et demie aux patrons jusqu'en 1904, mais ces derniers préférèrent appliquer tout de suite dix heures pour éviter les risques d'un nouveau conflit en passant de dix heures et demie à dix heures). Taux des salaires : pour dix heures de travail, même paie que pour onze heures et demie, calculée à l'ancien taux; donc, en prenant pour exemple une journée de 6 francs, le salaire était : jusqu'en 1900

6

fr. pour

12

I

heures |

de 1900 à 1902

6

fr. pour

11

heures I

à partir de 1902 f

5 ,7S

pour

10

heures

On voit par ces chiffres que les patrons faisaient une

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large concession aux ouvriers ; mais ceux-ci avaient accepté en échange de se conformer au règlement général ci-après : 1° Commencer et finir le travail au sifflet; 2° Interdiction absolue de manger pendant les heures de travail ; 3° Interdiction de se laver les mains ou de se livrer à aucun soin de propreté avant le signal de la fin du travail ; 4° Au bout de trois infractions, un ouvrier est susceptible de recevoir ses huit jours. En résumé, les patrons exigeaient dix heures de travail effectif, tandis qu'avant la grève, bien que la journée fût de douze heures, elle était en réalité très écourtée parles pertes de temps suivantes : Dix minutes à la rentrée du matin ; Quinze minutes à l'arrêt de neuf heures ; Dix minutes à la rentrée de midi ; Quinze minutes à l'arrêt de quatre heures ; Cinq minutes avant la sortie. Soit, au total, cinquante-cinq minutes. Les patrons n'ont donc accordé en réalité que trente-cinq minutes. Pour être impartial, nous devons constater que le règlement général élaboré en 1902 ne nous paraît pas strictement observé, surtout en ce qui concerne les soins de propreté avant la sortie : bien des ouvriers se lavent les mains, voire même la figure, avant l'heure prescrite. Depuis 1902, et surtout depuis plusieurs mois, les ouvriers de Nouzon ont toujours réclamé le rétablissement des salaires au taux de 1900. Petit à petit, forgerons, ajusteurs, aides aux machines-outils ont vu leur journée augmenter progressivement. Seuls, deux catégories d'ouvriers, par suite de circonstances diverses, étaient restées au taux établi à la fin de la grève de 1902. Ces ouvriers, voyant dans ces derniers temps les usines encombrées de travaux, réclamèrent à nouveau, avec plus d'insistance, le rétablissement des salaires de 1900.