Annales des Mines (1906, série 10, volume 9) [Image 170]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

334

LA. GENÈSE DES EAUX THERMALES

Ainsi les gaz que j'ai extraits des roches par le vide, à la température du rouge, sont, à quelques variantes près (que l'on observe aussi dans les émanations des fumerolles), composés des mêmes principes que les gaz volcaniques : la vapeur d'eau, l'hydrogène libre et l'acide carbonique y dominent. Ils contiennent comme eux de l'oxyde de carbone, du méthane, de l'azote, un peu d'hydrogène sulfuré, une trace de cyanogène et de pétrolènes; comme eux, ils sont exempts d'hydrocarbures non saturés non cycliques. Cette étroite analogie de constitution fait penser tout de suite à une analogie d'origine. La démonstration de cette genèse commune nous paraît résulter très simplement du rapprochement des faits déjà exposés et de ceux qui suivent. Quelle que soit son apparence massive et solide, l'enveloppe pierreuse sur laquelle nous vivons est dans un état d'équilibre très instable. Sous l'influence du refroidissement continu du globe et des actions moléculaires qui tendent à en rapprocher les parties, les couches terrestres se rétractent lentement. La dénudation des montagnes et des plaines due aux orages, aux eaux météoriques et à la pesanteur, diminue sans cesse, sur les continents, les épaisseurs des terres et des roches, dont les détritus vont former au contraire de nouveaux dépôts dans le bassin des mers. De là, une répartition inégale des poussées des couches terrestres qui augmente sans cesse sur certains points en diminuant sur d'autres et qui, à des intervalles de temps plus ou moins éloignés, amène des tassements, effondrements et déchirements subits dans les régions profondes qui supportent le poids énorme des terrains superposés. Qu' adviendrait-il si ces effondrements ou déchirements se produisent dans la zone directement en rapport avec le feu central ? Pressées par le poids des couches qu'elles supportent et qui se disloquent, les laves pénétreront aussitôt à travers toutes les fentes occa-

ET SES RAPPORTS AVEC LE VOLCANISME

335

•sionnées par cette brusque rupture d'équilibre. Injectées de laves brûlantes, les masses rocheuses atteindront plus ou moins rapidement la température où elles sont aptes à perdrè leur eau de combinaison, et celle-ci tendra dès lors à s'échapper de partout sous forme de vapeur surchauffée. Mais, comme nous l'établirons plus loin, cette eau, en réagissant sur les matériaux ambiants, produira le dégagement gazeux que nous avons directement observé dans nos expériences, citées plus haut, sur le chauffage des roches. Les renseignements numériques qu'on tire de nos observations nous permettent de calculer la grandeur des phénomènes qui se produiront dans ces conditions. Ils dépassent en puissance tout ce que l'on pourrait imaginer a priori. D'après les données des tableaux cidessus (*), la quantité d'eau mise en liberté lorsque du granit est porté au rouge ne s'élève pas à moins de 25 à 30 millions de tonnes pour un kilomètre cube de cette roche la moins riche en eau. Réduite en vapeur, cette eau occuperait, à 100°, un volume de 43 milliards de mètres cubes et, à la température de 1100°, le volume de 160 milliards de mètres cubes (**). En même temps, toujours d'après le chiffre de mes expériences, il se fera 7 milliards de mètres cubes de gaz calculés à 0°, et 28 milliards environ calculés à 1100°. Il en résultera une pression minimum de 7000 atmosphères. Nous avons trouvé plus haut (p. 325), par un tout autre ordre de considérations, que la pression des gaz volcaniques et de la vapeur d'eau doit atteindre près de 8000 atmosphères pour soulever, depuis sa base, la colonne de laves fondues. Ces deux nombres sont, on le voit, du même ordre de grandeur. (*) Voir p. 332. (**) A la température de fusion des roches, qui est d'environ 1200°, ces nombres seraient encore plus grands-. 1 gramme d'eau porté à 1.000° donne 4500 centimètres cubes de vapeur. Tome IX, 1906.

23