Annales des Mines (1905, série 10, volume 8) [Image 95]

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CONDITION

DES

OUVRIERS

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MINES EN AUSTRALASIE

drai pas une discussion détaillée des avantages et des inconvénients que peut présenter une telle loi ; il y aurait là ample matière à une étude spéciale que je n'ai eu ni les loisirs ni les moyens d'entreprendre ; je dirai seulement ici quelques mots des effets, bons ou mauvais, que j'ai pu en constater dans les différents centres miniers que j'ai visités. La première qualité, et la plus certaine, que l'on doive reconnaître à cette loi est d'être fréquemment appliquée, d'aucuns diraient même trop fréquemment, et de n'être pas restée lettre morte ou peu s'en faut, comme tant d'autres lois d'arbitrage. L'avantage capital que l'on a toujours attribué, et généralement reconnu, aux lois d'arbitrage est la suppression des grèves : c'est là un avantage évidemment des plus sérieux, lorsqu'il est obtenu, mais il ne l'est pas toujours, même avec le caractère obligatoire que la loi néo-zélandaise a donné à l'arbitrage. Sans doute, depuis 1891, la Nouvelle-Zélande n'a plus connu de grèves importantes, et je dois reconnaître que, dans tous les districts miniers que j'ai visités, le travail se poursuivait avec régularité; et cependant, dans trois d'entre eux, il y avait désaccord proclamé entre patrons et ouvriers au sujet des conditions du travail. Dans ces trois districts, la question était en voie de règlement par la conciliation et l'arbitrage, et l'une et l'autre parties attendaient, en continuant le travail dans des conditions normales, qu'une sentence intervînt. Dans d'autres districts, une sentence avait été rendue, et patrons et ouvriers l'observaient loyalement ; je dois en particulier constater qu'il en était même à peu près ainsi au moment de mon séjour dans le district d'Hauraki, bien que le récent différend dont j'aurai à faire mention plus amplement dans ce qui suit se fût terminé à la confusion des ouvriers.

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Cependant quelques grèves partielles ont eu lieu depuis 1894, dans des conditions indiscutablement légales, c'està-dire dans des cas où ni patrons ni ouvriers n'ont voulu, ou n'ont pu (faute de s'être préalablement constitués en Unions régulièrement enregistrées), en appeler aux Comités de conciliation et à la Cour : on cite trois grèves de ce genre dans les exploitations minières, celle des ouvriers des mines d'or de Reefton avant leur premier recours à l'arbitrage en 1897, celle des rouleurs des mines de charbon de Denniston, et celle des ouvriers des mines d'or de Golden-Blocks et de Taïtapu. De telles grèves n'ont pas eu de gravité jusqu'ici ; elles pourraient néanmoins en prendre éventuellement, le jour où patrons et ouvriers d'entreprises importantes ne voudraient, ni les uns ni les autres, recourir à l'arbitrage, les premiers dans l'espoir de pouvoir imposer à leurs ouvriers las de la grève des conditions plus avantageuses que celles qu'ils pourraient espérer de la Cour, et les seconds par crainte que celle-ci ne leur accorde pas tous les avantages qu'ils se croient en droit de réclamer. La Nouvelle-Zélande n'a, jusqu'ici, donné lieu à de semblables situations que dans des cas sans gravité, peut-être bien parce que les ouvriers, auxquels l'expérience a montré qu'ils peuvent s'en rapporter en toute confiance à la Cour, n'hésitent plus guère aujourd'hui à réclamer son intervention. Mais, de même qu'en présence des lois d'arbitrage facultatif de nos contrées, il se trouve fort souvent qu'aucune des deux parties ne se soucie de se soumettre à un arbitrage, de même cela peut-il arriver même dans un pays où il suffit qu'une des parties le veuille pour y obliger l'autre. J'en ai d'ailleurs vu un exemple pendant mon séjour en Nouvelle-Galles du Sud, où, malgré le vote tout récent d'une loi d'arbitrage analogue à celle de la Nouvelle-Zélande, une grève des tondeurs de moutons a éclaté et a pris un caractère violent parce que ni ouvriers ni patrons n'ont voulu recourir à l'arbitrage.