Annales des Mines (1904, série 10, volume 6) [Image 321]

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DISCOURS PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES DE M. BABU

permettrait de triompher du mal; mais trois jours plus tard, lundi, il avait cessé de vivre, sans avoir recouvré l'usage de la parole. Il laisse six enfants, dont l'ain&a treize ans et le plus jeune trois ans seulement, avec leur mère éplorée. Combien cette famille aurait eu besoin de conserver longtemps son guide et son soutien ! Tous ses amis sont profondément navrés d'un si grand malheur. Léopold Babu, né le 4 juillet 1862, à Saint-Maixent (Deux-Sèvres), était entré à l'École polytechnique en 1881 ; en 1883, il fut classé 7 e dans le service des Mines ; pendant la durée des études à l'École des Mines, il gagna six rangs et sortit le ï" de sa promotion. En 1887, il fut attaché au secrétariat du Conseil général des Mines et, bientôt après, chargé du service du sous-arrondissement minéralogique du Mans, où il devait, deux ans après, contracter l'union la plus heureuse avec M" 0 Buttner, fille du Directeur de la Manufacture des tabacs, au Mans. De 1891 à 1894, M. Babu accomplit une mission importante, d'abord en Nouvelle-Calédonie, où il resta trois ans comme Directeur de la Société des Mines de Nickel, puis en Australie, où il étudia quelques grandes exploitations minières. De retour en France, il devint successivement professeur des cours de Métallurgie, d'Analyse minérale et de Chemins de Fer à l'École des Mines de Saint-Étienne, et Directeur adjoint de cette École; puis, en 1901, il fui appelé à l'École des Mines de Paris, comme professeur du cours de Chimie générale. Il fut aussi, pendant ces dernières années, attaché à la Commission militaire de la Navigation et des Mines, à la Commission de Statistique de l'Industrie minérale et à la Commission du Grisou. Il était, en outre, fréquemment appelé à étudier cer-

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taines questions spéciales, relatives au travail dans lesmines, afin d'éclairer les débats des Commissions parlementaires, notamment en ce qui concerne la sécurité, les salaires, la durée de la journée et les retraites des ouvriers mineurs. Il abordait ces questions avec un esprit de bienveillance et de justice en même temps que de prudence, qui rendaient précieux ses avis. Il s'acquittait de cette mission délicate avec une conscience et un tact qui lui avaient valu la complète approbation et la vive sympathie du Ministre des Travaux publics, M. Maruéjouls. C'était un laborieux par excellence. Jamais il ne reculait devant une tâche, quelque fatigante qu'elle pût être. Aussi, tout en remplissant ses fonctions successives de la façon la plus distinguée, trouva-t-il le moyen d'écrire une série de notes et de mémoires techniques dans les Annales des Mines et dans le Bulletin de la Société de l'Industrie minérale de Saint-Étienne. Dans ces derniers temps, il avait entrepris un grand travail, malheureusement inachevé, mais fort avancé. Il avait rédigé, sur un plan nouveau, la première partie d'un Traité de Métallurgie générale en deux volumes ; le premier avait déjà paru, et il préparait le second, lorsque la mort brutale est venue le surprendre. Le Gouvernement avait bien reconnu les hautes qualités du jeune Ingénieur ; aussi avait-il accédé sans retard aux propositions de ses chefs directs et l'avait-il récompensé de ses services exceptionnels par la promotion au grade d'Ingénieur en chef des Mines (décret du 29 mai 1902) et par la nomination de Chevalier de la Légion d'honneur (décret du 18 juillet 1903). Il n'y eut qu'une voix parmi ses camarades pour applaudir à des distinctions si bien méritées. M.Babuétait, d'ailleurs, entouréde l'estime et del'affection de toutes les personnes qui le fréquentaient, charmées par l'ouverture de son esprit et par la droiture de son cœur.