Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 126]

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NOTICE SUR M. A. PARRAN

que rien n'arrête, brûlants en été, glacials en hiver, ce» « champs sauvages » de l'histoire russe, où le voyageur n'a pour se guider, sur ces espaces sans voies tracées, que des tertres, kourgans, maguila, qui ne font qu'ac-, croître la tristesse de ces paysages désolés. Et cependant un Russe venait de se trouver, Alexandre Pohl, d'Ekatérinoslaw, qui avait pressenti le parti que l'on pourrait avant peu tirer de ces minerais. Ne pouvant obtenir lesconcours nécessaires dans sa patrie, Pohl était venu, en 1880, soumettre ses vues à Paulin Talabot, qui suivait les affaires de tous les pays. Ici aussi, encore plus peutêtre que pour Mokta, le génie de Talabot eut la claire vision de l'avenir : il devina la politique économique qu'allait inaugurer la Russie; il la vit entourant d'une muraille de tarifs prohibitifs l'industrie qu'elle voudrait créer sur son sol; il comprit les destinées spéciales de la Russie méridionale avec les houilles du Donetz et les minerais, riches et purs, de Krivoï-Rog, à la teneur de 60 p. 100 ; il escompta la jonction inévitable de ce centre, par le chemin de fer Catherine, à l'Est avec la ligne de Nicolaieff, à l'Ouest avec le Dniéper et le Donetz. Aussi, après s'être renseigné auprès de Parran, et sur son avis, n'hésita-t-il pas à traiter avec Pohl et, le 6 janvier 1881 ,. était constituée la « Société anonyme des mines de fer de Krivoï-Rog », au capital de 5 millions de francs. C'était Parran qui, comme administrateur, devait être plus spécialement chargé d'assurer la marche de la nouvelle affaire, d'en être le directeur sans en avoir le titre. En mai 1881, il se rendait sur place pour l'étudier par lui-même et organiser la mise en train. Son voyage fut relativement court, et il ne le renouvela plus; mais il avait l'observation si juste et la mémoire si fidèle que cette seule visite lui suffit pour suivre désormais l'affaire avec les renseignements que lui fournissaient ceux qui étaient ou qu'il envoyait sur place. Il avait saisi dès la première-

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heure le développement rationnel que la nouvelle entreprise serait amenée à prendre, et il avait même profité de son voyage pour s'assurer à Ekatérinoslaw un excellent emplacement d'usine, le long du Dniéper, et, par suite, avec un approvisionnement d'eau assuré, ce qui constitue, on le sait, un des problèmes les plus ardus que la grande industrie ait à résoudre dans ces steppes désolées. Malheureusement des difficultés financières suscitées par la crise de 1' « Union Générale » en 1883 obligèrent la société naissante à renoncer à ces terrains si bien choisis qu'en 1884-1885 l'usine de Briansk s'y établissait. Toutes les prévisions de Talabot et de Parran s'étaient réalisées. Le chemin de fer Catherine avait été construit ; les droits sur les fontes, établis; des hauts fourneaux s'élevaient ou étaient projetés. Parran avait organisé l'extraction à Krivoï-Rog, et c'étaient les méthodes de Mokta qu'il avait intronisées, puisque les conditions de gisement étaient les mêmes : des amas puissants, interstratifiés dans le Silurien sous forme de lentilles verticales, exploitables à ciel ouvert. Dès l'exercice 1884-1885 r on avait sorti 28.000 tonnes, et on en avait vendu 11.500 aux usines du Donetz. De multiples difficultés allaient surgir contre l'entreprise naissante. Pohl avait apporté à la société — et on le lui avait payé assez cher — le droit d'exploiter, qu'il prétendait détenir exclusivement, par cession des paysans propriétaires, sur toute la commune de Krivoï-Rog, soit sur quelque 19.500 hectares. En réalité, le droit n'était ferme que pour les terrains incultes, à peine un millier d'hectares; pour les terrains cultivés, un accord était encore nécessaire avec leurs détenteurs, ce qui força ultérieurement la société à s'entendre avec des concurrents et à être réduite à n'exploiter que de compte avec eux. La Société de Krivoï-Rog n'a pas gardé rancune à