Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 125]

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NOTICE SDR M.

A. PARRAN

continueraient l'exploitation de Mokta. Il avait pensé pouvoir les trouver en Tunisie, où, dès notre intervention dans ce pays, en 1881, il avait commencé des recherches à Tabarka, à quelques kilomètres à l'Est de la frontière algérienne. Il en avait obtenu la concession du Gouvernement tunisien avec l'obligation de construire un port. Ni d'un côté ni de l'autre, on ne donna suite à ces projets, â raison de la teneur en arsenic de ces minerais. En tout cas, nantie des nouveaux gîtes de la Tafna, la Société de Mokta se trouvait en excellente posture avec un minerai pur, abondant, recherché, d'exploitation très avantageuse; elle avait désormais et largement le temps voulu pour songer à son second avatar. La sagesse de Parran fut, en attendant de l'avoir trouvé, de constituer des réserves qui permettraient de l'acquérir et de le mettre en valeur. Lorsque, en 1901, il jugea le moment venu de passer la direction à des mains plus jeunes, il laissait plus de 10 millions de réserves disponibles, sans tenir compte des diverses participations industrielles, telles que celles dans Krivoï-Rog et surtout dans Gafsa, qui pouvaient représenter quelque 8 millions, le tout sans parler des stocks et d'approvisionnements pour plus d'un million et demi. Une telle situation, pour une société dont le capital est de 20 millions, permet d'apprécier ce qu'a été pour la Société de Moktala gestion de Parran, qui fut non seulement le directeur, mais l'âme de l'entreprise. Quand on repasse ainsi, depuis ses origines, l'historique de cette société, on reste particulièrement frappé des vues géniales de Talabot en 1864, vues que Parran eut le mérite de si bien comprendre et réaliser dès la première heure. Ces minerais riches et purs de Mokta et de la Tafna, situés sur la côte ou à sa proximité immédiate, le long de ce chenal à circulation intensive que forme la Méditerranée, devaient, avec l'abaissement continu des prix de transport dû à la transformation de la naviga-

NOTICE SUR M. A. PARRAN

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tion maritime, devenir le fret indiqué pour alimenter les convertisseurs Bessemer non seulement de la France, mais de l'Angleterre et de l'Amérique, le rayon d'expansion s'accroissant avec l'abaissement même des frets et l'extension des échanges internationaux. Ce que Paulin Talabot et Parran avaient conçu et réalisé en Algérie, nous allons les voir, quinze ans après, marchant également ensemble, le concevoir et le réaliser sur un terrain différent, à l'autre extrémité du monde, dans la Russie méridionale ; et ici comme là avec le mérite, si digne de louanges, d'être les créateurs d'une grande industrie nouvelle dans un pays. Il y a moins d'un quart de siècle, en cette Russie méridionale, aujourd'hui ravagée par une des crises les plus intenses de surproduction, par suite de la création d'usines trop nombreuses et trop importantes, on ne comptait que deux usines sidérurgiques établies sur le bassin houiller du Donetz : celle de la société de la Nouvelle-Russie, avec deux hauts fourneaux, fondée par l'Anglais John Hughes, près de la station Youzovo du chemin de fer Ekathérininski, et celle de Pastoukhoff, à Souline, sur le chemin de fer du Sud-Est. Ce n'était pas qu'on ignorât les ressources minérales qui existaient ici avec les houilles du Donetz, que Le Play avait étudiées et signalées depuis si longtemps, là avec les minerais de fer que l'on avait reconnus également autour de Krivoï-Rog. Mais qui pouvait avoir songé à utiliser ces minerais pratiquement inaccessibles? De Krivoï-Rog au bassin houiller du Donetz, il n'y a pas moins de 500 kilomètres. Krivoï-Rog lui-même était, du reste, à 50 kilomètres à l'Est de Kosanka, station la plus rapprochée sur le chemin de fer de Nicolaieff ; au fond d'un de ces ravins formant ces sillons, insoupçonnés même à leur voisinage immédiat, qui découpent cette terrible et monotone steppe sans fin de la Russie méridionale, balayée en tout temps par des vents