Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 119]

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PARRAN

qui avait d'abord étonné, et qui est restée : il avait signalé, et des expériences ultérieures spéciales de Chalmeton, alors directeur des mines de Bessèges, le démontrèrent, que des masses stagnantes de grisou, situées notamment dans de vieux travaux, pouvaient être mises en mouvement sous une action brusque et suffisamment violente, se déplacer dans le courant d'air, sans s'y diluer, sur des longueurs assez grandes et venir s'enflammer fort loin à un feu découvert. Parran, alors âgé de trente-huit ans, était désormais classé. Aussi ne doit-on pas s'étonner que lorsque, à la fin de 1864, Paulin Talabot, qui se connaissait en hommes et qui avait toujours plus spécialement suivi les choses et les personnes du Gard, s'occupa de constituer l'ensemble des.combinaisons qui devaient reposer sur les minerais de fer de Mokta-el-Hadid près de Bône, il songea à confier à Parran tout ce qui devait se rattacher plus spécialement à leur exploitation. C'était l'orientation de sa vie que Parran devait changer. Au lieu de contrôler et de surveiller la gestion des autres, il lui fallait entrer dans l'action, dans sa partie la plus délicate, la direction d'une grande affaire, et non pas d'une affaire tout installée dont il n'y avait qu'à assurer la continuité, mais d'une affaire à organiser complètement, dans un pays neuf où il fallait pour la première fois introniser la grande industrie extractive. Combes intervint à nouveau pour résoudre les hésitations de Parran, qui, dès 1864, avant la constitution définitive de la Société, alla étudier sur place les éléments de cette affaire pour permettre à Talabot, qui n'avait pas encore mis les pieds en Algérie, de suivre la réalisation de ses idées. Les minerais de fer des environs de Bône constituent un gîte sédimentaire métamorphisé de fer oxydulé et d'oligiste, interstratifié dans le cristallophyllien du massif de l'Edough. Le gîte affleure au pied du flanc méridional de la montagne plongeant sous la plaine dans laquelle s'étalent

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les eaux du lac Fetzara. La couche du minerai s'aplatissait et se renflait en un point, près de l'affleurement, de façon à constituer ce célèbre amas, connu de temps immémorial des indigènes sous le nom de la « coupure de fer » (Mokta-el-Hadid) et qui avait été signalé dès notre arrivée dans le paj^s. En 1845, ce gîte avait fait l'objet des quatre premières concessions octroyées en Algérie; trois d'entre elles, y compris la principale, celle d'Aïn-Mokra, qui contenait le grand amas, se trouvèrent réunies entre les mêmes mains. Vingt ans après, leur histoire économique était encore quasiment nulle, bien que leur histoire administrative eût déjà des pages retentissantes. En 1849, le Ministre de la" Guerre avait cru devoir prononcer la déchéance des concessionnaires, à cause de l'inexploitation des mines ; le conseil d'État annula cette décision en juillet 1852, trouvant que l'inexploilation avait des « causes légitimes », qu'expliquait trop la situation de la colonie et de l'industrie, et il rendit à cette. occasion la seule décision contentieuse qui établisse encore la jurisprudence dans cette matière si grave et si importante des déchéances. En dernier lieu, une nouvelle Société s'était constituée pour mettre en valeur les trois concessions de Aïn-Mokra, Karézas et Bou-Hamra. On avait établi deux hauts fourneaux à l'Alélik sur la Seybouse, à 3 kilomètres au Sud do Bône et à 2 kilomètres et demi en amont de l'embouchure de la rivière. Un chemin de fer à voie de 1 mètre avait été préparé pour relier les mines à l'usine et à la Seybouse. Les hauts fourneaux n'avaient pour ainsi dire pas fonctionné, et il était à craindre que tout cet effort, médiocrement coordonné, n'aboutît pas plus que dans le passé, lorsqu'en 1864 Paulin Talabot intervint. Par cette intuition des grands génies industriels, il sentit que l'heure d'utiliser ces gîtes pour l'industrie européenne était venue avec la transformation qu'allait subir la sidérurgie par la