Annales des Mines (1904, série 10, volume 5) [Image 120]

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découverte de Bessemer. En même temps il avait combiné un ensemble de moyens qui pouvaient permettre à l'entreprise de fonctionner dès la première heure. De là sortit la « Compagnie des minerais de fer magnétique de Mokta-el-Hadid », constituée au capital de 15 millions, le 29 avril 1865, et qui, en fait, avait pris les établissements d'Algérie dès le milieu de 1864; c'était à Parran qu'incombait, avec la direction de la Compagnie, la tâche de réaliser le programme de Paulin Talabot. Ce programme était assez complexe. D'une part, on devait exploiter le gite de Mokta pour en livrer les minerais aux principales usines françaises: le Creusot, Terrenoire, Bessèges, Firminy, avec lesquelles avaient été passés des traités importants (près de 150.000 tonnes) de longue durée et à des prix naturellement fort réduits. D'autre part, la Société devait elle-même fabriquer, de l'acier en se procurant le charbon à ce nécessaire dans trois houillères du Gard : Cessous et Trébiau, Les Salles de Gagnières et Montalet. Enfin, pour assurer entre l'Algérie et le continent la régularité de transports aussi importants, une Société maritime spéciale, « Société générale des transports maritimes à vapeur », était créée, avec laquelle la Société de Mokta était engagée pour une longue période. De ce programme on ne tarda pas à élaguer toute idée de fabrication de fonte et d'acier. Il était peu rationnel pour la Société de Mokta de vouloir concurrencer ses meilleurs clients. Il ne resta de cette idée qu'une participation financière que la Société garda pendant longtemps avec la Société des Forges et Aciéries de Firminy. L'entreprise que Parran devait organiser, et diriger conserva ses deux seuls éléments purement miniers, mais assez peu harmoniques entre eux : l'exploitation du minerai de fer de Mokta et l'exploitation des houillères du Gard. Ici comme là tout était à faire ; bien plus, en Algérie,

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il fallait refaire . Le chemin de fer, ou, comme on pourrait le dire plus exactement avec la langue algérienne, la « piste ferrée » de la société précédente, était à reprendre entièrement et dans son tracé et dans son armement et dans son outillage, si on voulait l'utiliser pour des transports intensifs à un prix suffisamment bas. Il fallait surtout modifier radicalement les conditions du chargement en bateaux. Tel qu'il avait été conçu, avec terminus sur la Seybouse, on était obligé de chalander par-dessus la barre de la rivière pour aller charger dans une rade foraine, hors de tout abri. On avait même dû prévoir et acquérir des dragues pour maintenir la passe sur la barre. Parran détourna le chemin à son extrémité et, l'allongeant de 3 kilomètres, il eut une voie de 35 kilomètres, qu'il mit sur tout son parcours en parfaites conditions, et qui menait directement de la mine dans la darse de Bône ; au bout de fort peu de temps, on put même charger directement bord à quai, de telle sorte que, dès 1869, on expédiait 250.000 tonnes, et qu'en 1874, l'année d'exploitation maximum, on put embarquer 427.000 tonnes. L'essentiel était de préparer la mine. Parran créa sur l'amas une de ces vastes exploitations, comme il devait plus tard en organiser d'analogues à laTafna et en Russie, avec abatage dans un grand cirque à ciel ouvert, et chargement direct dans les wagons d'un chemin de fer circulant en galerie au-dessous. A la fin delà première année, au 31 décembre 1866, on avait déjà extrait et expédié 160.000 tonnes. Tout était difficile pourtant dans ce pays où tout était à créer pour la grande industrie, qui s'y implantait pour la première fois, avec une main-d'œuvre rare, qu'elle fût indigène ou étrangère, malaisée à conduire, surtout pour les travaux exigeant la moindre connaissance professionnelle. La plus stricte économie était cependant d'autant plus nécessaire que, si les traités passés à l'avance