Annales des Mines (1903, série 10, volume 4) [Image 294]

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décrivait spécialement, en dehors du gisement classique de la Braie, le bitume assez particulier de Guaracaro,. qu'il assimilait au bitume de Judée. L'entreprise du Boleo fut une de celles qui absorbèrent le plus longtemps son attention et auxquelles il porta le plus d'intérêt. A la suite d'un voyage exécuté avec Ed. Fuchs, il avait été un de ses fondateurs et, après quelques difficultés au début, il eut la joie de voir son brillant succès ; il y retournait souvent et, même dans ses dernières années, atteint de la cataracte, il fit encore la traversée de l'Atlantique plusieurs fois pour s'y rendre. Également, dans la métallurgie du cuivre, il avait réalisé un progrès industriel en introduisant à l'usine de produits chimiques de l'Estaque, près Marseille, dont il était administrateur, le traitement par lixiviation des minerais de Rio-Tinto. Mais, parmi les questions de géologie théorique, celles qui l'intéressaient le plus étaient assurément celles qui concernaient l'or. Il avait conçu le plan d'un ouvrage monumental consacré à ce métal : aidé par de fidèlescollaborateurs, il put en faire paraître quelques fascicules sans voir son achèvement complet. Celui sur la minéralogie de l'or montre le luxe de détails, dans lequel il désirait entrer. Il avait, pour étudier ces questions, installé, dans sa propriété du Vésinet, un petit laboratoire, où il expérimentait souvent dans ses heures de loisir. Ses recherches sur les verres à base d'or, celles sur les aurosilicates,. qu'il considérait comme formant le ciment des poudingues du Witwatersrand, ont fait l'objet de communications à l'Académie des Sciences. Ayant vu et suivi un grand nombre d'exploitations aurifères, il était à même de traiter la géogénie de l'or avec une compétence spéciale et entassait, à ce sujet, les documents dans ses voyages. La dernière affaire qu'il ait

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créée, celle des placers hydrauliques deJunction City, qui lui donna de grandes préoccupations et beaucoup de déboires, était une affaire de mines d'or. Ed. Cumenge n'était pas seulement un ingénieur de premier ordre et un savant, et ce serait en tracer un portrait fort infidèle et bien banalisé que d'arrêter là cette étude. Tous ceux qui l'ont connu se rappellent sa vivacité méridionale, le langage coloré, parfois touchant au lyrisme, dans lequel il aimait à conter les aventures de ses voyages lointains, à en retracer les images, la verve souriante et gauloise, qui survivait chez lui aux tristesses, aux douleurs de la vie, qui se mêlait, sans les altérer, avec le sérieux des pensées, avec la fermeté des croyances austères, avec l'espoir fréquemment exprimé d'une réunion dans l'au-delà aux êtres chers qu'il avait perdus. Il offrait là un contraste, qui n'est pas exceptionnel dans le protestantisme du Midi et que les péripéties diverses de son existence auront encore accentué. Le goût des voyages lointains, celui de cette libre vie, parfois aventureuse, souvent pénible, qui entraîne l'explorateur de gisements miniers, suivant le hasard des circonstances, d'un bout du monde à l'autre, comportent assez naturellement l'amour de la nature, le sentiment du pittoresque, la tendance à l'observation des mœurs, parfois même quelque penchant à la réflexion solitaire ou à la rêverie. Pendant les longues heures des traversées, pendant les chevauchées à travers la montagne ou lo désert, l'esprit travaille sur lui-même et cherche à donner une forme plastique à ses pensées. Comme son ami et compagnon Ed. Fuchs, avec lequel il présentait tant de points communs, Cumenge se plaisait à mettre en vers les bonnes plaisanteries narquoises, les malices aimables, ou parfois les pensées voilées de mélancolie, que lui suggérait la fortune du voyage. Il écrivait, tantôt en français, tantôt