Annales des Mines (1902, série 10, volume 1) [Image 175]

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DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES DE M. CORNU

enfants que le témoignage de notre respectueuse sym^ pathie et de notre douleur commune. La carrière de M. Cornu présente le noble exemple d'une vie entière consacrée à la science sans aucune interruption. Il fuyait, d'une manière systématique, toutes les circonstances capables de le détourner de ses travaux, qu'il a continués jusqu'à sa dernière heure, jusqu'au moment du moins où les forces lui ont fait subitement défaut. Dès sa sortie de l'École Polytechnique, dans les intervalles de ses études d'élève-ingénieur à l'École des Mines, M. Cornu prit à tâche de reproduire toutes les expériences indiquées dans le célèbre Traité d'optique de Billet. Il acquit ainsi une connaissance approfondie et familière des phénomènes, en même temps qu'il en discutait avec un soin minutieux les interprétations théoriques. Doué d'une rare habileté manuelle, qualité précieuse pour un physicien, il pouvait réaliser les expériences les moins usuelles avec les ressources courantes des laboratoires et improviser, suivant son expression favorite, toutes sortes d'appareils ingénieux, pour lesquels on a trop souvent l'habitude d'attendre le concours des constructeurs de précision. Cette éducation scientifique peu commune explique sans doute comment M. Cornu a pu parcourir successivement toutes les branches de l'optique, améliorant en divers points les méthodes de calcul ou d'observation, redressant les erreurs devenues classiques et glanant, en mainte circonstance, des trouvailles heureuses dont la science a tiré profit. Son premier travail sur la réflexion cristalline a vivement attiré l'attention des hommes compétents. Sans connaître l'espèce de discipline qu'il s'était imposée, on pouvait à bon droit s'étonner qu'un débutant eût le courage d'aborder une des questions qui ont préoccupé les plus grands esprits, Fresnel, Cauchy, Neumann et Mac Cullagh. Le problème de la réflexion et de la réfraction est, pour

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ainsi dire, l'épreuve cruciale des théories d'optique, et tout progrès dans cette voie est une contribution importante à la science. On trouve déjà, dans ce mémoire de M. Cornu, les caractères qui distinguent son œuvre générale et la tournure de son esprit. Sans négliger les ressources de l'analyse algébrique, où parfois les idées ne se dégagent pas facilement des formules abstraites et des symboles, il préférait en traduire les résultats sous une forme géométrique plus palpable et plus propre à les fixer dans la mémoire. C'est ainsi qu'il a été conduit, pour les divers cas de réflexion et de réfraction, à une série de théorèmes élégants, auxquels son nom reste attaché. Ses excursions variées dans le domaine de l'optique ont été très fécondes. Je citerai, en particulier, ses recherches sur l'interprétation géométrique des formules de Fresnel relatives à la diffraction, la formation des images multiples dans les réseaux à traits circulaires ou rectilignes de distances inégales, les polariseurs à pénombre, la détermination expérimentale de la surface d'onde dans les cristaux à deux axes optiques, la forme de la surface d'onde dans la polarisation rotatoire magnétique et l'achromatisme des franges d'interférence ou de diffraction, idée originale et simple, dont les applications se sont ensuite étendues à un grand nombre de cas qu'il n'avait pas prévus. Les hommes de notre temps n'ont plus guère souvenir del'époque mémorable oùArago, dontlavue s 'était affaiblie, abandonnant l'espoir qu'il avait conçu de mesurer la vitesse de propagation de la lumière par des expériences de laboratoire, laissa à des savants plus jeunes le soin de résoudre ce grand problème. Fizeau, qui avait imaginé la méthode devenue célèbre de la roue dentée, la mit aussitôt à exécution entre Montmartre et Suresnes. Le succès de cette expérience fut