Annales des Mines (1901, série 9, volume 19) [Image 179]

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DISCOURS PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES DE M. MOUTARD

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DISCOURS PRONONCÉ AUX FUNÉRAILLES DE M. MOUTARD

les notes qu'il donnait aux plus maltraités étaient tout autres que celles qu'ils attendaient et adoucissaient leurs blessures. Oii n'a pas perdu le souvenir, à l'Ecole Polytechnique, de cette anecdote, que j'ai maintes fois entendu raconter. Un des premiers élèves de la promotion, passant son examen, est contredit par Moutard et, à plusieurs reprises, poussé vivement, presque désarçonné ; il se retire enfin et, désolé, s'arrête dans la salle d'attente, ne sachant ce qu'il doit faire, se croyant mal jugé et craignant d'avoir compromis par cet examen tous les résultats de son travail. Averti par un camarade, Moutard va à lui et lui dit simplement: « Rassurez-vous, j'ai voulu vous sonder à fond dans cet examen, j'ai reconnu votre mérite et je vous ai donné 20. » Comme examinateur de sortie, Moutard fit partie des conseils d'instruction et de perfectionnement de l'Ecole Polytechnique. Il fut, déplus, en 1881, élu membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique. Il avait l'esprit droit et clair, il aimait à élever et à simplifier l'enseignement en groupant les questions autour de principes généraux. J'ai entendu dire à plusieurs de ses collègues que, par sa largeur de vues et par sa parole entraînante, il avait exercé une grande influence sur les Conseils de l'Ecole Polytechnique dans la discussion des programmes d'admission et d'enseignement. Son action se porta d'abord sur l'enseignement de l'analyse mathématique et plus tard sur celui de la mécanique. Ces deux phases successives correspondirent à deux périodes semblables dans son enseignement à l'Ecole des Mines ; car son cours, après avoir porté pendant près . de quinze ans sur l'analyse et la mécanique, se concentra ensuite sur la mécanique seule pendant les dernières années de son professorat.

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Sa nomination de professeur à l'Ecole des Mines ne date que de 1875 ; mais elle avait été précédée, de même qu'elle a été suivie, par d'autres mesures de réparation prises à son égard. La première fut sa réintégration dans le corps des Mines, à laquelle s'attachent pour moi des souvenirs personnels. En octobre ou novembre 1870, je me trouvais attaché au cabinet du ministre Oorian, pour l'étude des moyens de défense de Paris assiégé, lorsque l'attention se porta sur la situation de M. Moutard. On me demanda s'il n'y aurait pas lieu de le faire rentrer dans le corps des Mines, d'où il avait été rayé à la suite du coup d'État. Je ne le connaissais encore que de nom et de réputation ; mais cela suffisait pour que ma réponse fût très affirmative. Le ministre prononça donc sa réintégration, avec le grade d'ingénieur ordinaire de 2 e classe, auquel avaient été promus ses camarades de promotion à la date du 21 décembre 1852. Il lui restait donc encore dix-huit années de retard sur ses camarades ; mais ce retard fut peu à peu comblé p.ar la série des mesures, que prirent à son égard les différents ministres républicains qui se succédèrent aux Travaux publics. Les principales étapes de sa carrière sont : sa nomination de professeur d'analyse et de mécanique aux cours préparatoires de l'École nationale des Mines (17 août 1875) ; sa nomination d'ingénieur en chef des Mines (8 juin 1880) ; sa nomination d'inspecteur général de 2 e classe (19 mars 1886) et de l ro classe (16 janvier 1890); enfin, sa mise à la retraite à l'âge de soixante-dix ans (28 j anvier 1897). H fut d'ailleurs, après sa retraite, maintenu dans sa chaire de professeur, par application de l'article 47 du décret du 9 décembre 1853. C'était assurément une faveur exceptionnelle; mais n'était-t-elle pas profondé-