Annales des Mines (1899, série 9, volume 16) [Image 9]

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LES MINES DU LAURION DANS L'ANTIQUITÉ

LES MINES DU LAURION DANS L'ANTIQUITÉ

Phéniciens, qui ont été nos premiers initiateurs dans l'art des mines et qui, partout, autour de la Méditerranée, dans les îles de l'Archipel, à Chypre, à Thasos, au mont Pangée, en Sardaigne, à Carthagène, à Rio Tinto, ont su découvrir et mettre en valeur les grands gisements métallifères. Plus tard, jusqu'à la fin du vie siècle, les Athéniens paraissent s'être bornés aux minerais peu abondants et peu riches du premier contact ; les mines du Laurion étaient loin alors de pouvoir rivaliser avec celles d'Espagne, 'de Thasos, de Siphnos, etc. Mais, en 484, d'après Aristote, on découvrit les gîtes de Maronée (Camaréza?), dont l'État retira aussitôt 100 talents (600.000 francs), avec lesquels il construisit une flotte de cent trirèmes ; c'est vers ce moment que durent se faire les grands progrès dans l'art de rechercher les gisements, que l'on se mit à forer les puits verticaux, -à atteindre les parties riches du troi-

sième contact. La principale période de prospérité du Laurion commença donc à peu près avec les guerres médiques et dura pendant tout le y0 et le ive siècle. A peu près au même moment; les mines d'argent de l'île de Siphnos, qui, pendant le vi° siècle, avaient donné des produits énormes, touchaient à leur terme. Suivant la

légende, Apollon avait puni les mineurs, qui ne -payaient pas à son temple de Delphes le tribut convenu, en faisant

pénétrer la mer dans leurs travaux : ce qui revient à dire qu'on avait atteint le niveau hydrostatique, à peu

près infranchissable dans des calcaires fissurés avec les moyens d'épuisement des anciens. Thasos, qui avait été précédemment un centre de production considérable pour les métaux précieux, paraît également s'être épuisée vers cette époque. Le Laurion assurait donc à Athènes une sorte de monopole dans la production de l'argent, et l'on peut comparer son rôle, à cette époque, à celui des mines du nouveau monde pour l'Espagne du xvie siècle, ou de celles de l'Ouest américain pour les États-Unis aujourd'hui,

La plupart des grandes fortunes athéniennes du ye siècle

furent faites dans la recherche des mines. On citait, Par exemple, un certain Callias pour y avoir gagné près de 1.200.000 francs ; et son fils Hipponicos en retirait, un peu plus tard, 36.000 francs de revenu. Nicias, le générai de l'expédition de Sicile, y avait acquis 600.000 francs

en faisant travailler plus de 1.000 esclaves, etc. Tout le

monde à Athènes, entre 450 et 420, comptait sur les mines d'argent pour s'enrichir, et Aristophane, dans une

de ses comédies, fait dire même à un charcutier qu'il tâchera d'économiser assez pour s'acheter une concession de mines. Les monnaies frappées avec l'argent dti Laurion et portant la chouette d'Athèné jouent à ce moment, sous le nom de chouettes Laurotiques, un rôle fréquent dans les plaisanteries des auteurs comiques. En 413, l'occupation de Décélie par les Spartiates porta aux exploitations un coup funeste ; 20.000 esclaves, pour la plupart occupés aux mines, désertèrent à la fois, et la détresse financière fut telle à Athènes qu'on dut, en 407, battre monnaie avec les victoires en or de l'Acropole et,

en 406, émettre pour la première fois des monnaies de cuivre.

Plus tard, la tyrannie des Trente découragea l'initiative industrielle des Athéniens, qui préférèrent porter leurs capitaux à l'étranger plutô't que de les exposer aux spoliations et aux tracasseries du fisc dans leur pays ; en 389, on se plaignait encore à Athènes de la rareté de l'argent (qui était, à cette époque, le véritable étalon,monétaire), et la prospéritédu Laurion ne reprit un peu que vers 378. Il y eut alors un réveil industriel, dû en grande partie à l'extension du principe de l'association des entrepreneurs de mines, jusque-là dispersés et indépendants ; les anciens n'avaient guère connu précédemment que les entreprises individuelles ; il se 'forma, à cette époque, des sortes de sociétés minières ou de syndicats, et cela permit de don-