Annales des Mines (1898, série 9, volume 13) [Image 240]

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RUSH DU CONTESTÉ FRANCO-BRÉSILIEN

472 RECHERCHE ET EXPLOITATION DE L'OR EN GUYANE

expéditions s'organisent par dizaines. Ce phénomène des « rushes », parfois si pittoresque, est commun à tous les placers d'un pays qui débute, mais il offre une intensité toute particulière en Guyane à cause des conditions spéciales dans lesquelles cette colonie se trouve placée.

La population totale de la colonie, non compris les. effectifs pénitentiaires, ne dépasse pas en effet 28.000 habi-

tants sur lesquels 12.000, presque la moitié, sont fixés à Cayenne. On comprend que, dans un pays aussi peu peuplé,

les fluctuations subites de population .qu'amènent les « rushes » sont plus sensibles que partout ailleurs et se répercutent plus directement encore sur l'état des affaires, et sur la situation générale de la colonie. Rush de l'Awa. Plusieurs de ces exodes sont restés, célèbres : celui de l'Awa en 1889 entre autres. A cette. époque, toute la région aurifère désignée sous ce nom et qui comprend le grand angle formé par le Tapanahoni et. l'Awa, formait un territoire contesté entre la France et la .Hollande, territoire qui a d'ailleurs été attribué à

cette dernière par l'arbitrage définitif de Sa Majesté Alexandre III.

En principe, les chercheurs d'or cuit une préférence Marquée pour les régions de nationalité incertaine. On y est' plus à l'aise pour travailler ; les formalités pour l'obtention du droit d'exploiter un terrain se réduisent au strict minimum, c'est-à-dire au fait de son occupation continue par celui qui l'exploite ; il n'y a à payer aucun:

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droit d'extraction pour l'or, et, quant aux droits de douane,

on s'en passe aussi. C'est, sans jeu de mots, l'âge d'or' pour les prospecteurs. Il y a bien quelques ombres au tableau : il n'est souvent pas facile de faire respecter parmi voisin audacieux, servi par de forts biceps;;le canal d'amenée d'eau au moyen duquel on, peut laver le lopin qu'on s'est personnellement .réServé ; la .poudre d'or recueillie n'est pas toujours à. l'abri d'un coup .de main.Ce,

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sont pourtant là des inconvénients secondaires, car il. s'établit aussitôt des usages, qui ont force de loi dans le' camp minier improvisé et que tout le monde respecte sans.

qu'il soit nécessaire de contrainte, par suite du besoin impérieux et inné d'une règle tutélaire quelconque. En quelques mois, les terrains de l'Awa reçurent tant. de Surinam que de Cayenne une population de 5.000 à 6.000 noirs, qui s'établirea sur les terrains exploités actuellement par la « Société Française des. Placers de la Guyane Hollandaise ». Le ravitaillement s'opérait par leMaroni, et les choses marchèrent à souhait pendant un

certain temps. Les négociants .des deux capitales ravitaillaient les placers avec des marchandises en transit, qui

par conséquent ne payaient aucun droit de douane ni d'octroi de mer. C'est même ce manque de perception des droits de douane qui réveilla la question de principeau point de vue de la nationalité même du territoire contesté. Entre temps, comme les deux nations se trouvaient vis-à-vis l'une de l'autre dans la situation où nous sommes actuellement vis-à-vis du Brésil, elles décidèrent. d'un commun accord d'arrêter complètement, jusqu'après

règlement de l'arbitrage, toute exploitation aurifère surl'Awa, par le moyen simple et efficace de la farinne, c'està-dire par la suppression complète de tout ravitaillement. par la voie du Maroni. Ce moyen réussit parfaitement. Le prix des vivres, sur les placers illicitement exploités

de l'Awa, s'éleva aussitôt dans des proportions fantastiques. Les exploitants rendus sur place ne quittèrent les lieux qu'après- avoir dévoré leur dernière mesure decouac, et seuls quelques hardis marcheurs, qui avaient reconnu la possibilité de se rendre par terre de Cayenne à. l'Awa en remontant l'Approuague, rivière située au Sud de Cayenne, continuèrent encore pendant quelque temps.

leurs exploitations clandestines. Ce fut même le seul résultat avantageux de cette période de désordres,. On