Annales des Mines (1895, série 9, volume 8) [Image 307]

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NOTICE HISTORIQUE

SUR PIERRE-LOUIS-ANTOINE CORDIER.

SOUS l'empire, de hautes distinctions, sans rien demander au maître, sans s'approcher de lui et sans l'aimer. C'était

rière aussi longue. Les règlements s'y opposent, et, par la crainte d'abus possibles, vraisemblables, il faut l'a-

lui qui gardait rancune. Dolomieu l'avait bien jugé. Soixante ans plus tard, la physionomie franche et aimable de Cordier, plus qu'octogénaire, montrait l'empreinte d'un esprit sage et ferme,

vouer, ils interdisent, l'exemple de Cordier en est la preuve, des exceptions que tous approuveraient. Les tournées d'inspection de Cordier s'encadraient chaque

d'une dignité sans hauteur dont jamais les succès du monde n'altérèrent la simplicité. Peu de savants ont,

jours de sa verte vieillesse, il a voulu préparer sur le

pendant une vie aussi longue, aimé la science avec plus de passion, sans négliger pour elle aucun devoir et sans refuser aucun des travaux demandés sans cesse à son savoir et à son zèle. Un écrivain spirituel, Alphonse Karr, concluait, d'un calcul contestable, mais plausible , que M. Cordier, pair de France, conseiller d'État, membre de l'Institut,

inspecteur général et président du conseil des mines, professeur, administrateur et directeur du Muséum d'histoire naturelle, président de la commission des machines

à vapeur, membre du conseil de perfectionnement de l'École polytechnique, appelé chaque lundi à l'Académie

des sciences, et chaque jour à la Chambre des pairs, dans quelque commission nouvelle, devait à ses devoirs et occupations publiques soixante-deux heures de travail par jour.

La plaisanterie tombait à faux; Cordier n'acceptait aucune sinécure. Sévère pour lui-même , il faisait, et faisait bien, toute tâche librement acceptée. Content d'une très modeste aisance et d'une éclatante renommée, il laissait venir sans les rechercher les dignités et les honneurs. Inspecteur général des mines à trente-trois ans, Cordier devint promptement et resta, jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, chef de ce corps d'élite et président de son conseil. Nos jeunes camarades, quels que soient leurs talents et leur zèle, ne sauraient aujourd'hui espérer ni un avancement aussi rapide ni une car-

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année dans ses voyages géologiques. Jusqu'aux derniers

terrain ses leçons au Jardin des Plantes. Les montagnes le charmaient ; leur vue produisait chez lui une véri-

table émotion. En tête d'un manuscrit inachevé, écrit l'année même de sa mort et ayant pour titre Cinquante et un voyages géologiques, Cordier pouvait inscrire cette épigraphe : Nullus fere sine itinere annus. Jamais Cordier ne voyageait à l'aventure. Les conseils

donnés pendant la route et les renseignements pris sur place changeaient rarement son itinéraire. La prétention de tout voir, disait-il, empêche de bien voir. Repassant souvent par des chemins connus et déjà étudiés, le butin prévu de chaque jour était vérifié, mis en ordre et emballé avant que Cordier songeât au repas du soir. Malgré les brillants épisodes de sa vie scientifique, sa

belle collection de minéraux et de roches restera la gloire de son nom. Les voyages lui servaient de préparatifs et la tâche lui appartenait tout entière. Pour étudier ses minéraux , Cordier les nettoyait lui-même. A l'âge de quatre-vingt-trois ans, on pouvait le voir dans sa cour, quittant son habit, les bras découverts, ouvrir le

lourd robinet de la fontaine et brosser d'une main la pierre que de l'autre il tenait sous l'eau. Près de cent mille échantillons, véritable trésor, étiquetés de sa main, de 1820 à 1860, attestent sa persévérance et l'infaillibilité de son coup d'oeil.

Les instructions et les conseils donnés par Cordier aux naturalistes voyageurs étaient pleins de prudence et de

sagesse. « En général, écrivait-il, on se trompe beau-