Annales des Mines (1893, série 9, volume 4) [Image 264]

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522 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ADOLPHE HENRY.

jour où la nouvelle organisation de 1891 en élimina les représentants des grandes Compagnies. Enfin, en 1886,

l'Administration supérieure, en lui conférant le grade d'ingénieur en chef des mines, lui avait montré qure son passage dans l'industrie ne l'avait pas fait oublier et qu'elle rendait justice à ses mérites. Il pouvait regarder avec fierté en arrière, et un passé aussi brillant permettait de penser que pour lui l'avenir n'avait pas dit son dernier mot : à quelle destinée ne semblait-il pas appelé, avec les éminentes qualités dont il avait fait preuve, avec l'estime et l'affection qu'il avait

inspirées à son directeur, avec la longue carrière sur

laquelle on était en droit de compter pour lui ? Sa robuste constitution paraissait incapable de plier jamais sous le poids du travail; et cependant peut-être aurait-elle, en raison de sa vigueur même, exigé un plus juste équilibre entre la dépense intellectuelle et la dépense physique ; rien néanmoins n'avait pu faire pressentir l'atteinte qu'allait tout à coup recevoir sa santé. Au printemps de 1890, une phlébite grave le forçait brusquement à prendre le lit, mais sans parvenir à lui faire interrompre l'étude des affaires qui lui étaient confiées ; Mettant au contraire à profit les longues heures de calme que lui assurait cet éloignement- forcé de son bureau, il s'attacha à utiliser cette pénible période d'immobilité pour élaborer et rédiger un travail considérable qui lui avait été demandé par le Comité de ceinture et qui consistait dans la détermination des prix de traction des trains de voyageurs et de marchandises sur les lignes de petite et de grande ceinture (*)

travail le plus complet sans doute qui ait été fait sur la question des dépenses de traction. La convalescence arriva au moment où il y mettait la dernière ,

(*) Ch. de fer de ceinture. Dépenses de fraction. Rapport à M. le

Président du Comité de ceinture, par M. A. Henry, 51 p., tableaux A-Z.

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main; mais bientôt après de nouveaux accidents se produisirent, du côté du coeur, puis de la poitrine, et après une saison au mois d'octobre à Amélie-les-Bains, il dut Ce fut pour se résigner à aller passer l'hiver à Menton. de laisser ainsi de côté pour plului une cruelle épreuve, sieurs mois le service auquel il s'était jusqu'alors consaeré; elle lui fut du moins adoucie par la pensée qu'il le remettait en bonnes mains, et pendant toute la durée de M. Baudry, son absence l'amitié dévouée de son adjoint, qui le tenait au courant des principales questions, tout en prenant soin de lui atténuer ce qui aurait pu lui causer des soucis ou des préoccupations, lui permit de suivre de loin les affaires traitées et de se tenir prêt à en ressaisir les rênes dès que sa santé le lui permettrait. Il comptait, comme il le disait lui-même, sur sa vigoureuse constitution de campagnard pour prendre le dessus et triompher du mal ; pourtant, par moments, il ne pouvait s'empêcher

de se laisser envahir par les plus tristes pensées, et,

comme le rappelait M. Noblemaire (*), de se demander si cette maladie n'était pas une punition de l'ambition qu'il .avait eue, à vouloir sortir de son orbite : « Paysan j'étais, » écrivait-il à la fin de cette triste année 1890, « paysan j'aurais dû rester ! » Il se préoccupait, non de lui-même, mais des siens, des nombreux enfants de sa soeur aînée, restés orphelins en 1887, de tous ceux à qui il se sentait si nécessaire, et pour longtemps encore. Cependant une amélioration notable, survenue en peu de jours dans le courant du mois de mars 1891, lui avait rendu confiance, et lorsqu'il revint à Paris, au commen-

cement de mai, il ne doutait pas que ce fût pour se

remettre bientôt à la besogne. Il put en effet reprendre ses occupations, et même d'une façon presque régulière : mais l'illusion qu'il s'était faite un moment, d'un retour (*) Ann. des mines, 9° série, I (1892), p. 284.