Annales des Mines (1893, série 9, volume 3) [Image 16]

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BASSINS HOUILLERS DU NORD DE LA FRANCE

sibilité d'une étude particulière est alors fondée sur ce fait que la mer, dans son mouvement d'avancée progressive, ronge ses bords et aplanit l'ancienne surface du sol; à cette surface plus ou moins accidentée par les mouvements antérieurs ou par les érosions atmosphériques, elle substitue, comme je l'ai dit plus haut, la sur-

face à peu près horizontale d'une plaine d'abrasion marine. Le fond de la nouvelle mer, si on pouvait l'observer, représenterait donc à peu près une« coupe hori-

zontale des terrains plus anciens. La carte géologique du fond de cette mer permettrait par conséquent de se faire une idée de l'allure générale des couches qui le formaient, de la même manière qu'une carte géologique actuelle permet de se faire une idée de la géologie d'un pays ; plus facilement même, puisque le fond étant plat par hypothèse, il n'y a pas à tenir compte du relief du sol et des complications qu'il introduit dans les affleurements. Les plis anticlinaux y seront dessinés par des bandes d'affleurement de terrains plus anciens ou par des indentations saillantes de leurs contours ; les plis synclinaux y seront de même dessinés par des bandes de terrains plus récents ; et enfin, si les couches, avant l'abrasion, n'étaient pas plissées, mais seulement relevées en

masse vers un massif saillant correspondant à l'ancien rivage, les affleurements se présenteront en bandes parallèles dont les contours suivront parallèlement cet ancien

rivage. Le problème se ramène donc à reconstruire ces cartes géologiques des anciens fonds de mer, et il est facile de voir qu'on possède souvent les éléments nécessaires à cette reconstitution. En effet, pour déterminer les contours d'un étage particulier, il suffit de connaître les points où les dépôts de la nouvelle mer se sont faits sur cet étage ; partout où

l'étage affleurait, ce dépôt a eu lieu, et partout où le dépôt a eu lieu, c'est que l'étage affleurait, que ses cou-

ET DU SUD DE L'ANGLETERRE.

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oies formaient le fond de la mer. Cela est évident, et il n'est pas moins évident que ces points sont encore maintenant ceux où les nouvelles couches reposent sur cet étage. Pour obtenir la carte géologique de l'ancien fond de mer, il suffit donc de distinguer et de limiter les surfaces suivant lesquelles les couches transgressives reposent sur les différents étages plus anciens. Les données nécessaires seront fournies par les cartes géologiques actuelles ; il est vrai que ces données ne seront suffisantes que lorsque les couches transgressives auront été

profondément découpées par la dénudation de manière à laisser apercevoir les terrains sous-jacents et à montrer de nombreux contacts des deux systèmes. Cette condition est assez souvent réalisée sur les bords du bassin de Paris, pour qu'on puisse obtenir ainsi des résultats intéressants et en généraliser les conséquences. J'ai exposé ailleurs (*) plus en détail le principe et les applications de cette nouvelle méthode ; je me contenterai de reproduire ici les développements relatifs aux deux exemples les plus rapprochés des bassins houillers, celui du Boulonnais et celui de la région crétacée située entre Saint-Quentin et Bapaume.

Boulonnais. - La petite région naturelle du Boulonnais est, comme on sait, formée par des affleurements jurassiques, entourés de tous côtés par une falaise semicirculaire de craie. Sur les couches jurassiques, on trouve de place en place des lambeaux plus ou moins étendus de sables et d'argiles, qui sont les témoins de la première invasion de la mer crétacée. Ces lambeaux reposent indifféremment sur tous les étages jurassiques, et un coup d'oeil sur la carte géologique ci-contre (fig I) montre, comme l'a .

(*) Continuité du phénomène de plissement dans le bassin de Paris (Bull. Soc. géol., t. XX, p. 118, 1892).