Annales des Mines (1892, série 9, volume 1) [Image 8]

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NOTE SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE

ments partiels et successifs qui tinrent en éveil les habitants plus surpris encore qu'effrayés. Il était une heure et quelques minutes. A ces craquements assez brusques succédèrent 20 secousses précipitées, horribles, d'une rapidité et d'une violence telle qu'à la vingt et unième, la population, saisie d'épouvante, chercha les moyens de se dérober à ces mouvements désordonnés du sol qui s'abaissait, se soulevait et semblait se diriger avec une vitesse irrésistible dans la direction du sud-est ; puis, comme par le fait d'un choc brusque et sec, ébranlait toute la ville et ses énormes murailles par un monstrueux mouvement de recul. La vingt-deuxième secousse consomma la ruine de la cité, dont presque toutes les maisons furent renversées, ensevelissant sous leurs décombres près de trois mille victimes.

Le palais de la. Kasbah, la trésorerie, l'intendance, la caserne du régiment des Asturies et les églises s'écroulèrent; la dernière secousse fut si forte que d'énormes bâtiments furent violemment projetés au loin, laissant à nu leurs fondations. Don Nicolas Garcia, colonel du régiment des Asturies, gouverneur général par intérim, ainsi que toute sa famille, son entourage et le lieutenant-colonel directeur des travaux de la fortification périrent sous les pans de murs qui s'abattirent. 765 hommes du régiment des Asturies qui venaient d'arriver à Oran furent écrasés, sauf 20 hommes qui, se trouvant de garde à la porte d'entrée, se jetèrent précipitamment sous des arceaux de construction nouvelle qui avaient résisté aux secousses, et purent ainsi échapper à la mort. Comme, dans le tremblement de terre d'Alger de 1716, le feu, qui se communiqua aux pièces de bois contenues dans les décombres, consuma en grande partie les maisons ébranlées qui ne s'étaient pas encore écroulées, et,

EN ALGÉRIE.

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pour comble de malheur, les eaux de la source qui alimente Oran furent taries et le ravin mis à sec pendant plusieurs heures jusqu'au lever du jour. Le comte de Cumbre Hermosa, colonel du régiment de Navarre, brigadier des armées du roi Charles IV et commandant d'Oran, remplaça sur-le-champ le malheureux

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gouverneur général dont on ne retrouva pas le corps. Il prit les mesures les plus rigoureuses pour défendre la place que les Arabes, accourus de toute part pour la cerner, pouvaient facilement enlever en pénétrant par les brèches qui s'étaient produites sur onze points des fortifications.

Les deux hôpitaux étant renversés, on dut retirer les galériens des voûtes situées à la marine, où les blessés les remplacèrent. Le comte de Cumbre Hermosa fit

établir en plein air des fours pour cuire le pain, tous ceux de la ville ayant été détruits et avec eux presque

tous les approvisionnements en grains et en farines. Des scènes de pillage et de meurtre se produisirent, et des bandes de forçats parcouraient la ville en proférant des menaces de mort. La junte du gouvernement ordonna l'abandon immédiat des rares constructions qui étaient encore debout dans les quartiers détruits, et prescrivit plusieurs mesures de sécurité publique. Le tremblement de terre ne s'était pas fait sentir au delà du boulevard du Prince et de la Princesse (aujourd'hui boulevard Oudinot), c'est-àdire en dehors des promenades publiques ; le Conseil

enjoignit aux habitants de s'établir sur le sommet de l'escarpement, où se trouve aujourd'hui le quartier israélite, avec la très expresse recommandation de s'y installer sous des tentes ou sous des abris en planches légères. Tous les ouvrages de maçonnerie furent sévèrement prohibés , parce que des secousses , quoique

moins rudes, se firent sentir de temps en temps jusqu'au