Annales des Mines (1890, série 8, volume 18) [Image 371]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

692 L'INDUSTRIE MÉTALLURGIQUE DANS SES RAPPORTS

coulée d'un lingot de 100 tonnes. Nous avons déjà eu l'occasion de dire que les usines de Saint-Chamond et du Creusot possédaient des fours en nombre suffisant pour produire des lingots semblables. À Saint-Chamond, les fours sont assez rapprochés de la fosse de coulée pour que leur contenu soit amené par des cheneaux fixes dans un grand entonnoir placé au-dessus de la lingotière. Au Creusot où les fours sont plus écartés, on coule le contenu de chaque four dans une poche portée sur un chariot, amené par voie ferrée au-dessus de la fosse où est placée la lingotière dans laquelle on vide à la fois les poches, les unes par coulée directe, les autres par coulée en source. Ces opérations, qui exigent la mise en mouvement d'un nombreux personnel, se font aujourd'hui avec un ordre parfait. Le forgeage des lingots est une opération au moins aussi importante que leur coulée. C'est en vue de ce for-

.geage qu'ont été construits les marteaux de 100 tonnes déjà plus d'une fois décrits. Le forgeage se divise en deux opérations distinctes. La première est l'étirage qui a pour but de donner dans une même section la régularité de structure qui se traduit par une augmentation de résistance et d'allongement. Le lingot se trouve transformé après cette opération en un cylindre à base octogonale, dont on retranche les extrémités supérieures et inférieures qui ne sont pas assez saines pour être employées à la

confection des éléments du canon. Ces parties retranchées sont désignées dans les usines sous le nom de chutes. La marine exige une chute minima de 4 p. 100 au pied et de 28 p. 100 au sommet du lingot. La seconde opération faite sous le marteau et qu'on désigne plus spécialement sous le nom d' étanzpage, donne à la pièce martelée la forme définitive qu'elle doit avoir pour être mise au four. Pour les grosses pièces, cette opération ne peut être achevée qu'au moyen de plusieurs

AVEC LES CONSTRUCTIONS NAVALES.

693

chaudes, qu'il importe de toujours surveiller avec soin; car la température doit être assez élevée pour que la chaleur persiste jusqu'au coeur de la pièce, sans que la. partie superficielle soit soumise à des coups de feu, auxquels l'acier à canon serait particulièrement sensible.

Quelles que soient les précautions prises la pièce étampée ayant été forcément chauffée inégalement et par parties à cause de sa grande longueur, il en résulte des inégalités de tension moléculaire qu'il est nécessaire de faire disparaître pour assurer la parfaite homogénéité de la pièce. On y arrive par un recuit au rouge cerise suivi d'un refroidissement lent , à la suite duquel on détache à chaque extrémité une rondelle destinée aux essais dont il sera parlé plus loin. La pièce brute de forge est tournée et forée de manière à être amenée à des dimensions très voisines de ses di. mensions définitives. Pour le forage, deux forets marchant à l'encontre l'un de l'autre découpent dans la pièce un vide cylindrique en laissant au milieu une âme que l'on peut utiliser par la suite et qui donne des renseignements utiles sur les défauts qui pourraient exister dans

le centre du lingot. Pour les pièces de gros calibre, le forage est suivi d'un nouveau recuit plus efficace que le premier, à cause du vide central déterminé par le forage. La liste de ces manutentions est déjà longue et cependant il en reste une dernière à accomplir pour laquelle les rares usines qui fabriquent les gros calibres ont dû s'imposer des dépenses considérables ; c'est la trempe à

l'huile. Les installations nécessitées par cette trempe présentent un caractère très spécial, dont une gravure contenue dans la monographie de l'usine de Saint-Chamond, dans le Génie civil, permettra de se faire une idée. La pièce est suspendue dans un four vertical chauffé par une série de grilles superposées et dans lequel elle est soumise à la fois à un mouvement de rotation autour de