Annales des Mines (1890, série 8, volume 17) [Image 129]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

SUR LEFÉBURE DE FOURCY (EUGÈNE).

236

NOTICE NÉCROLOGIQUE

traie notice. Toutèfois les éléments du « livre de raison » seuls existaient et ils ont été remarquablement mis en oeuvre, de telle sorte qu'ils résument les phases mouvementées d'une famille de cette vieille, vigoureuse et saine bourgeoisie parisienne, où les fortunes, avec le temps se font, se défont, mais heureusement se refont aussi. C'est le grand-père de nos deux camarades, ÉtienneLouis (dont l'odyssée est vraiment des plus singulières), qui a créé le nom de cette branche de la dynastie. « Le surnom de Du Coudray, qui le distinguait de ses trois frères, lui semble trop commun. Il en prend un mieux D'où venait ce nouveau nom? Les archives sonnant de la famille sont à ce sujet complètement muettes ». Le fils et les deux petits-fils devaient immédiatement tirer « ce nouveau nom » de l'obscurité. Michel-Eugène Lefébure de Fourcy était né, le 29 liovembre 1812, à Paris, au n° 21 de la rue Lévêque, « une de ces voies étroites et sombres, aujourd'hui disparues,

Mon qui menaient au sommet de la butte des Moulins. de père m'y a souvent montré, dit-il, les trois fenêtres l'étroit logement situé au premier étage de la laide maison qui abrita les plus difficiles, mais non les moins heureuses, années de son mariage ». Je devais un peu insister sur cette origine parisienne, parce que, jointe notammentet à un mariage contracté à Paris, elle allait entraver même finalement interrompre le développement normal de sa carrière administrative. Dans son affection excessive pour sa ville natale et avec son humeur voyageuse, « Elle il eût dit volontiers ce qu'en a dit Montaigne (*) : advenu comme a mon coeur dez mon enfance et m'en est des:choses excellentes ; plus i 'ay vett depuis d'aultres villes belles, plus la beauté de cette cy peult et gaigne sur mon affection. »

(*) Essais, livre Ill, chapitre lx.

237

Ici je crois devoir laisser Eug. L. de Fourcy dire quelques mots de la vraiment rude éducation de l'enfant : En 1820, «

le jour même où mon père montait dans sa

chaire de mathématiques spéciales au collège Saint-Louis, ,j'y entrais dans la classe de septième... Voici quel fut, pendant près de dix ans, l'emploi d'une journée de notre famille : à huit heures du matin, mon père, mon frère et moi partions tous trois pour le collège, où chacun avait sa classe; à dix heures, rentrée au logis et déjeuner frugal pour tous, une tasse de café au lait et un petit pain d'un

sou; à deux heures et demie, classe du soir ; rentrée à quatre heures et demie, dîner et récréation; étude de six heures et demie à dix heures. « La surveillance paternelle était sévère, parfois in-

juste, me semblait-il... Jugeant à distance ces temps lointains, j'estime aujourd'hui que la sévérité était chez mon père un invariable principe d'éducation et qu'elle dut être souvent plus systématique que réelle. « Mon père avait décidé que ses deux fils entreraient à l'école polytechnique » ( dont il était lui-même ancien élève, comme on sait). « Les années 1828 et 1829 s'écoulèrent sans incidents. Je les passai, la première en philosophie et en mathématiques élémentaires, la seconde en mathématiques spéciales et en physique... Deux fois par semaine, mon père nous réunissait, un de mes amis -et moi, devant son vieux tableau noir. Je redoutais comme le feu ces séances, parfois orageuses pour moi jusqu'aux larmes. Si la crainte est le commencement de la sagesse, c'est peut-être à elle que je dus mon entrée à l'École polytechnique dès le premier examen ». Ce qu'il y a de sûr, c'est que Eug. L. de Fourcy n'avait point encore dix-sept ans quand il était reçu, après

deux années seulement d'études mathématiques, et qu'entré avec le numéro 60, il se plaçait bientôt au pre-

mier rang, .pour ne le perdre ni à la sortie de l'École