Annales des Mines (1889, série 8, volume 15) [Image 205]

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A CIRON (INDRE).

368 EXPLOSION D'UNE CHAUDIÈRE DE LOCOMOBILE

Le manque d'eau, dont on a beaucoup parlé dans le public, est également à rejeter. La chaudière avait été remplie la veille ; elle n'avait pas encore dépensé de vapeur, et tous les témoins déclarent avoir vu le niveau de l'eau osciller dans son tube indicateur en verre ; son foyer ne porte aucune trace de surchauffe ; enfin, l'intensité des effets dynamiques observés est contraire à cette hypothèse. M. l'ingénieur ordinaire n'hésite pas à affirmer qu'il y a. eu surpression, et surpression considérable. Il a procédé sur une chaudière de locomobile analogue à celle dont il s'agit à des expériences desquelles il résulte qu'il fallait une heure à partir de la mise en feu pour y amener la pression à 6 kilogrammes, et qu'ensuite la tempé-

rature s'élevait de 2 degrés environ par minute. Dans l'espèce, il s'était écoulé une heure et demie à deux heures depuis la mise en feu de la locomobile, et comme il suffisait d'une augmentation de température de 50 degrés pour porter la pression de 6 à 20 kilogrammes, on voit qu'au moment de l'explosion, la pression devait être

extrêmement élevée et dépassait sans doute 20 kilogrammes. M. de Grossouvre a cherché à la calculer en partant soit des modifications éprouvées par les tôles dans leurs propriétés élastiques, soit des phénomènes balistiques produits, mais la complication du problème l'a empêché d'arriver à des résultats précis, et il a dû baser ses appréciations sur d'autres considérations. Un propriétaire, chez qui la machine avait fonctionné quelques jours auparavant, a déclaré que le manomètre

était alors en bon état, les soupapes bien réglées, et que ces dernières commençaient à souffler dès que la pression atteignait 6 kilogrammes ; de plus, les agents de l'entrepreneur de battage ayant cru devoir caler les soupapes, il avait dû les menacer pour obtenir l'enlèvement des cales. Il résulte de cette déposition une pré-

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somption d'autant plus grave que, peu de temps avant l'explosion, la machine était incapable d'entraîner la batteuse, ce qui devait exciter le mécanicien à forcer la pression.

D'autre part, les témoins affirment que les soupapes crachaient depuis environ une demi-heure ; il s'est donc écoulé une demi-heure pendant laquelle, la pression limite de 6 kilogrammes étant atteinte, il y a eu production de vapeur sans aucune dépense, d'où l'on est amené à conclure que les soupapes étaient calées. Il ressort de l'enquête qu'un peu après le moment où le mécanicien Désiré avait fait marcher la machine à vide, il avait dû monter sur l'une des roues et appuyer de la main gauche sur les leviers des soupapes, la main

droite armée d'une clef à écrou avec laquelle il

tra-

vaillait; ceci s'explique facilement si l'on admet que les soupapes étaient calées au moyen de coins en bois tendre ;

ces coins n'ayant pas suffi à les empêcher de souffler, Désiré a sans doute cherché à repousser les cales avec sa clef à écrou, ou bien encore à tourner les soupapes au moyen de cette clef, pour les placer dans une position où elles seraient étanches. Quelques minutes après, un gros jet de vapeur s'étant déclaré vers la base de l'enveloppe du foyer, probable-

ment au robinet de vidange, Désiré avait cherché à le faire disparaître, et Lamoureux s'était littéralement suspendu aux leviers des soupapes pour s'opposer à la sortie de la vapeur. C'est à ce moment que l'explosion s'est produite.

Ces considérations paraissent concluantes ; elles sont, toutefois, en contradiction avec le témoignage d'un ouvrier survivant qui prétend n'avoir pas vu de cales ; les autres disent qu'ils n'en ont pas remarqué. Le ciel de l'enveloppe du foyer est retombé à une distance de 250 mètres sur sa face supérieure ; dans le choc