Annales des Mines (1888, série 8, volume 13) [Image 307]

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BULLETIN.

niais y trouver une turquoise est affaire de chance : aussi les

bons ouvriers ne vont-ils jamais aux Khagi; ils y envoient leurs enfants. Les vieux, les faibles, les paresseux, ou ceux qui, possédant une petite propriété, n'ont pas besoin d'un gain journalier, travaillent dans les Khagi. Ajoutons que, pendant les mois d'été, beaucoup d'étrangers y viennent tenter la fortune.

Classification des turquoises.

les turquoises sont divisées en trois classes 1° les Engouchtèri ; 2° les Barkhanèh; 3° les Arabi.

A la mine même,

1° Toutes les turquoises d'une couleur stable et belle, d'une forme favorable, rentrent dans la classe des Engouchtèri (pierres pour bagues); on les achète à la pièce. Pour estimer leur valeur, il y a à considérer la couleur et le « zeit ». La couleur la plus estimée est le bleu de ciel foncé; une petite tache d'une couleur plus claire, que seuls les connaisseurs peuvent distinguer, ou seulement une tache verte presque invisible diminuent considérablement leur valeur marchande. Le « zât » est une propriété indéfinissable, quelque chose

comme « l'eau » d'un diamant ou « l'orient » d'une perle; une turquoise bien colorée, mais sans zât, n'a qu'une valeur insignifiante. C'est ainsi qu'une pierre de 2/3 de pouce de longueur, 2/5 de largeur, 1/2 d'épaisseur, taillée en la forme Peikhani (conique), est évaluée à Mesched 7.500 francs; une autre, de la même forme et de la même dimension, pourra n'être estimée que 2.000 francs, quelquefois 200 francs. Les meilleures Engoztchtèri sortent des Khagi.

2' Les Barkhanèh sont généralement divisées en quatre qualités. La première coûte à la mine 1.500 à 1.600 tomans le « mèn de Tèbriz» (*), soit environ 5.000 francs le kilogramme. Le mèn de la quatrième qualité coûte 70 à 80 tomans. La première qualité et une partie de la deuxième sont seules envoyées directement en Europe; les autres sont vendues à des orfèvres du pays, particulièrement à Mesched, où l'on s'en sert pour incruster des amulettes, des dagues, des manches et des fourreaux de sabre. On peut, à Illesched, acheter de petites turquoises taillées à raison de 3 ou 4 francs le mille. (") Le mèn vaut à peu près 3 kilogrammes.

BULLE TIN.

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3° Tontes les pierres qui ne peuvent entrer dans ces deux premières classes sont considérées comme « Arabi ». Leur nom est

d'origine récente : quelques mineurs allant en pèlerinage à la Mecque emportèrent une grande quantité de mauvaises turquoises, qu'ils vendirent fort bien aux Arabes; de là. le nom d'Arabi donné à toutes les pierres blanches ou vertes. Les grands morceaux plats dont on se sert pour amulèttes, broches, boucles de ceinture, et qu'on nomme Toutal, sont à présent classés parmi les pierres Arabi, bien que quelques-unes soient fort estimées.

Vente des turquoises. Les Rich-i-Sèfid (barbes blanches), ou représentants du village, au nombre de 25 à 30, achètent généralement les turquoises aux travailleurs eux-mêmes, puis les revendent, soit aux marchands de Mesched, soit aux Dellals (agents de commission qui visitent les mines). Le profit sur toutes les turquoises n'est jamais inférieur à 10 p. 100, il est souvent de 20 p. 100. Par exemple, un Rich-iSéthi achète une turquoise 10 tomans, la revend 12 au dellal, qui lui-même à Mesched la vend 14 ou 45 tomans aux négociants de cette ville; ceux-ci, à leur tour, font un triage des pierres, en vendent une partie dans le pays, et envoient le reste en Europe, particulièrement à Moscou, où elles sont vendues par des dellais spéciaux aux commerçants européens. On peut calculer qu'une turquoise valant 10 tomans à la mine se vendra 25 en Europe. Il y a lieu de s'étonner que les négociants européens n'aient pas eu l'idée d'envoyer aux mines des agents spéciaux. Les mineurs taillent rarement eux-mêmes leurs turquoises, de sorte qu'ils ignorent la valeur réelle de ce qu'ils trouvent. Les Itich-i-Séfid taillent souvent à demi les turquoises, et peuvent alors les trier : les Engouchtèri sont mises de côté et vendues à la pièce; elles procurent souvent des bénéfices énormes. C'est ainsi que la turquoise de Mesched du prix de 7.500 francs, dont nous avons parlé précédemment, avait été achetée '75 francs à l'ouvrier.

Le général anglais Goldsmid (*) raconte qu'il n'a pas trouvé, à Nichapour, de turquoise valant la peine d'être achetée. La raison

en est, comme le fait remarquer le général Schindler, que ce n'est pas à Nichapour que la plupart des turquoises passent dans le commerce; les belles pierres sont immédiatement expédiées à (*) Journal of the geographical Society. Londres, 1874, p. 205.