Annales des Mines (1888, série 8, volume 13) [Image 280]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR L. E. GRUNER.

croissement de ces deux éléments permettait d'augmen-

ter la production tout en réalisant une économie notable sur la consommation de coke par tonne de fonte; à partir de ce moment, chaque construction nouvelle dans ce district fut signalée par un agrandissement des dimensions des hauts fourneaux. En 1870, on était arrivé à des hauteurs de 31m,50 et à des volumes de 935 et 1.220 mè-

tres cubes, suivant le profil plus ou moins élancé que l'on adoptait pour la capacité intérieure de l'appareil. On ne tarda pas à constater qu'on était allé trop loin et que ces hauts fourneaux gigantesques ne donnaient pas les résultats que l'on en attendait. On avait donc dépassé les proportions qui correspondaient à la marche la plus avantageuse ; il restait à expliquer pourquoi et à compléter l'ancienne théorie des

hauts fourneaux, telle que l'avaient esquissée Leplay, Tanner , Bunsen et Ebelmen , de manière à la mettre d'accord avec les faits nouveaux qui venaient d'être constatés. C'est ce qu'entreprirent M. Lowthian Bell en Angleterre et Gruner en France, en suivant des voies un peu différentes.

Il était facile d'expliquer pourquoi la production des hauts fourneaux n'avait pas augmenté en proportion de l'accroissement de leur volume intérieur. Cette production est essentiellement fonction de la quantité de vent insufflée dans un temps donné; or cette quantité n'avait pas subi, dans le Cleveland, une augmentation proportionnelle à celle de la capacité des hauts fourneaux. La marche était devenue plus lente ; le rapport de la capacité intérieure à la production journalière s'était accru et cet accroissement, à partir d'une certaine limite, non seulement ne permettait plus de réaliser de nouvelles

économies de combustible, mais donnait lieu à une augmentation de consommation. Il restait à expliquer ce

renversement d'un phénomène qui était si accentué à

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l'origine, avec des appareils de dimensions moyennes. C'est la question que Gruner aborda en 1872 dans les

Annales des mines (7e série, t. II). Il montra d'abord que la hauteur des hauts fourneaux se trouvant limitée dans chaque district par la résistance à l'écrasement du mine-

rai et du combustible, les grands accroissements de volume ne pouvaient être obtenus que par un élargissement exagéré de la cuve et que cet élargissement finirait par donner lieu à une marche irrégulière dénaturant complètement les conditions normales de travail de l'appareil. Classant les hauts fourneaux, suivant le rapport de leur diamètre à leur hauteur, en élancés et en trapus, il fit ressortir les avantages des profils élancés au point de vue de la régularité du travail et de la consommation de combustible.

Il restait à expliquer pourquoi l'économie de consommation réalisée par l'exhaussement des fourneaux de profil élancé semble tendre vers une certaine limite, alors même qu'on ne dépasse pas la hauteur compatible avec la résistance des charges à l'écrasement. Gruner montra que l'on devait chercher l'explication de ce phénomène dans le dédoublement de l'oxyde de carbone au-dessous du rouge sombre, étudié peu de temps auparavant par M. Lowthian Bell et par lui-même. Dans un mémoire publié en 1869 dans le Journal of Me Chemical Society of London, M. Lowthian Bell avait montré que des fragments de minerai de fer soumis vers 400 degrés au courant gazeux qui sort d'un haut fourneau se réduisaient partiellement en se désagrégeant et en se couvrant de carbone floconneux analogue au noir de fumée.

Dans un travail important, publié en 1871 dans le

Recueil des savants étrangers (Académie des Sciences), et

en 1872, dans les Annales de Chimie et de Physique, Gruner étudia les circonstances où se produisait ce phé-