Annales des Mines (1888, série 8, volume 13) [Image 278]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR L. E. GRUNER.'

cédés de fabrication de 4cier, Gruner devait être néces-

sairement amené à s'occuper de la constitution de ce corps et il l'a fait avec la sûreté de vues qui l'a toujours caractérisé. Cette question avait déjà donné lieu à bien des études et elle avait eu le don de troubler les meilleurs esprits ; les contradictions qu'on y relevait entre la théorie et la pratique avaient amené jadis un métallur-

giste éminent à admettre que le fer contenu dans certains minerais possédait une propension aciéreuse qu'il conservait à travers toutes les opérations métallurgiques,

tandis que d'autres produits, fort analogues en apparence, mais dépourvus de cette qualité mystérieuse, ne pouvaient servir à la production d'acier de bonne qualité, quelque traitement qu'on leur fît subir. L'esprit si précis de Gruner ne pouvait accepter cette conception, peu compatible avec les principes de la science moderne ; dans

son mémoire sur le procédé Heaton (Ann. des mines, 6' série, t. XII, p. 209), il se prononça nettement contre l'hypothèse de la propension aciéreuse et affirma que les modifications si variées que peuvent subir les propriétés du fer doux, sont toutes dues à l'intervention du carbone et de diverses autres substances étrangères, abstraction

faite, bien entendu, de l'influence des actions mécaniques subies par le métal. Mais, en même temps, il sut à propos rester fidèle aux anciennes théories sur la constitution de l'acier, tout en les élargissant. Il se refusa à admettre que l'azote fût l'élément caractéristique de l'acier comme le soutenait alors un chimiste éminent; il maintint fermement et avec raison que ce métal devait avant tout ses propriétés au carbone et que les autres corps que l'on y rencontrait étaient des accidents ou des impuretés, diminuant sa qualité et sa valeur commerciale. C'est ce qu'il a montré bien nettement dans une Note sur les propriétés mécaniques des aciers phosphorés, insérée

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en 1870 dans les Annales des mines (6e série, t. XVII). A la suite d'essais faits sur des aciers obtenus par le procédé Heaton, aciers tenant encore de 0,002 à 0,003 de phospore avec 0,005 environ de carbone, le célèbre ingénieur Fairbairn avait cru pouvoir admettre que ces aciers présentaient une résistance vive élastique supérieure à celle des bons aciers de Sheffield. Gruner fit voir qu'il n'en était _rien et que si, les aciers phosphorés peuvent offrir une résistance élevée à la rupture par traction, ils se rompent sans allongement sensible ; ils sont donc ai-

gres et fragiles et se comportent mal lorsqu'ils ont à supporter des chocs. Si Fairbairn avait affirmé le contraire, c'est qu'il avait, bien à tort, cru devoir attacher plus d'importance à l'élévation de la limite d'élasticité qu'a l'importance de la striction que subit le métal avant de se rompre. Il faut reconnaître que l'erreur de Fairbairn était partagée à cette époque par un grand nombre d'ingénieurs et qu'on n'est arrivé que tardivement à attacher

à la striction du métal avant rupture toute l'importance qu'elle mérite.

Grâce aux progrès faits depuis vingt ans par les procédés d'essais mécaniques et les' méthodes analytiques, les idées soutenues par Gruner ne peuvent plus être contestées aujourd'hui. On sait que la propension aciéreuse n'est autre chose que l'absence de soufre et de phosphore dans les matières destinées à la fabrication de l'acier et que la pureté acie'reuse de M. Leplay correspond simplement à l'absence de scories dans la masse du fer destiné à la cémentation ; on sait enfin qu'en l'absence de soufre et de phosphore, les propriétés physiques de l'acier varient régulièrement avec la teneur en carbone. Mais d'autres corps, métaux ou métalloïdes, peuvent se rencontrer accidentellement dans l'acier ou y être introduits systématiquement, de manière à modifier ses qualités. Gruner s'était préoccupé, dès 1867, de cet ordre