Annales des Mines (1886, série 8, volume 10) [Image 226]

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DU CENTRE DE LA. FRANCE.

GISEMENTS DE MINERAI DE FER

Si nous envisageons d'abord la question des minerais

de fer en grains, le premier point qui se présente est d'examiner la possibilité de ce mode de formation basée sur l'épaisseur des massifs calcaires qui ont dû dispa-

raître pour laisser les dépôts exploités à l'époque actuelle. M. Van den Broeck a été au-devant de cette objection

,et il a déjà répondu que « l'on se fait d'ordinaire une idée fausse sur la différence de volume qui peut exister entre une masse donnée de calcaire et son résidu de dis-

solution; qu'il se produit par l'oxydation des sels ferreux un foisonnement considérable, qui donne un volume bien supérieur à celui que l'on trouverait dans une expérience de laboratoire par l'attaque par un acide. » Cette argumentation est loin d'être péremptoire ; il est d'ailleurs facile de serrer la question de plus près et d'échapper à la difficulté signalée par M. Van den Broeck en considérant les poids au lieu des volumes. Dans le Berry, où les gisements de minerai en grains ont été exploités sur une échelle très considérable, on a constaté que l'hectare de terrain donne, en général, dans

les gisements en couches ou en filons, un produit de 10.000 tonnes à 20.000 tonnes de minerai. tenant en moyenne 40 p. 100 de fer, ce qui représente 4.000 à 8.000 tonnes de métal à l'hectare. Ces gisements reposent sur les calcaires lithographiques inférieurs au système crétacé dont les assises sont formées de sables et de gaize : ces dernières roches n'ont donc absolument rien pu fournir pour la production du minerai et doivent être écartées de nos calculs. Les calcaires lithographiques ont une composition assez constante; la proportion d'oxyde de fer qu'ils con-

tiennent est, en moyenne, de 0,20 p. 100 et dépasse assez rarement 0,50 p. 100. Il en résulte qu'en supposant même 100 kilogrammes

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de fer par mètre cube nous sommes au-dessus de la vérité et, par conséquent, pour expliquer la présence des quantités de métal que nous indiquions tout à l'heure, il faudrait supposer la disparition, par dissolution, d'une épaisseur d'au moins 40 à 80 mètres de calcaire. Ce chiffre n'a rien d'effrayant, car la puissance totale des calcaires jurassiques est de plusieurs centaines de mètres.

Il n'y a donc, au premier abord, aucune impossibilité à ce que les dépôts de minerai résultent de la dissolution du calcaire jurassique ; mais si l'on admet ce mode de formation, il faut remarquer que ceux-ci ne pourront avoir la puissance indiquée précédemment qu'à partir d'un certain niveau au-dessous des assises crétacées, au-

trement dit qu'a une certaine distance horizontale des affleurements de ces dernières, puisqu'elles n'ont pu intervenir dans le phénomène. En d'autres termes, abstraction faite de tous calculs, la puissance du dépôt sidérolithique

devrait être nulle au voisinage des assises crétacées et aller en croissant proportionnellement au fur et à mesure que l'on s'en éloigne. L'intervention de tout phénomène de transport devant être écartée, ainsi que l'indiquent la nature et les conditions du gisement, et que le constate M. Van den Broeck, le résultat précédent est une conséquence nécessaire de

la théorie de la formation sur place des dépôts ferrugineux par altération et dissolution des roches calcaires. Or, dans le Berry, la distribution des gisements est loin de suivre cette loi; si l'on examine la manière dont ils sont répartis à la surface du plateau jurassique, on ne voit pas que les dépôts les plus riches soient ceux qui sont les plus éloignés des affleurements crétacés ; au contraire, on a exploité dans leur voisinage presque immédiat des dépôts qui ne le cèdent pas en richesse à ceux que l'on trouve à une plus grande distance.