Annales des Mines (1885, série 8, volume 8) [Image 68]

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ÉTUDE SUR LE TERRAIN GLACIAIRE

DES PYRÉNÉES-ORIENTALES.

On prévoit ainsi la connexité qui existe entre le phénomène qui a creusé la cuvette des lacs et celui qui les a remplis d'eau. Ce double phénomène ne peut être attribué

versée par la rivière de Nohèdes , dont la puissance des-

qu'aux glaces qui devaient exister sur ces hauteurs en masses énormes et qui sont aujourd'hui remplacées par des névés, dont il ne reste que de faibles traces en été.

dans sa retraite.

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Les grandes cavités ont été creusées d'abord, puis alimen-

tées par des glaciers plus grands que ceux des petites cavités. Comme confirmation de cette hypothèse, qui présente

déjà un fort caractère de probabilité, il y a lieu de citer l'existence de nombreuses parois de roches polies ; et il est

probable que s'il n'y en a pas davantage cela tient, soit au peu de ténacité de la roche composée de micaschiste et de schiste, soit aux dégradations importantes qu'elles ont subies dans la suite des temps. Enfin, comme dernière preuve, nous citerons l'existence de trois moraines au pied de ce massif : celle de la Tourde-Carol, dont nous avons déjà parlé ; .1a petite moraine d'Angoustrine qui a été emportée en majeure partie par les eaux ; enfin celle qui s'étend de Montlouis à Llagone.

Dans une région voisine on rencontre les Gourgs ou étangs de Nohèdes, situés sur le versant oriental du massif de Madres (2.471 mètres d'altitude), qui, dans des proportions bien moindres, fait vis-à-vis à celui de Carlitte. Ces étangs offrent une analogie complète avec les autres et,

en aval, on trouve un amas de roches détritiques, sur une étendue de plus de 2 kilomètres suivant la vallée, qui ne présente pas, il est vrai, les caractères aussi tranchés d'un dépôt morainique ; mais on peut lui attribuer cette origine par analogie, surtout à cause du polissage énergique subi par les parois rocheuses en amont, polissage dont les traces se sont conservées sur de grandes hauteurs au-dessus du fond de la vallée. Cette moraine a tous les caractères d'une moraine frontale qui a été tra-

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tructive n'a jamais été suffisante pour entraîner, d'une façon complète, l'immense dépôt laissé par le glacier,

Tous les anciens glaciers dont nous avons reconnu jusqu'ici les traces se trouvent au nord du Canigou. On doit se demander s'il n'y en a pas eu sur le versant méridional de ce massif montagneux. Nous avouerons que toutes nos recherches, à cet égard, ont été vaines, à moins qu'on ne considère comme un vestige morainique un amas peu considérable de blocs granitiques mêlés de

boues un peu en amont d'Arles-sur-Tech, petite ville située sur le Tech. De là à conclure qu'il n'y a pas eu de glaciers sur ce versant du Canigou, il y a loin. Cependant il ne serait pas impossible que les glaciers

se soient moins étendus vers le midi que vers le nord, et cela pour plusieurs raisons : l'exposition d'abord et, ensuite, le développement moindre des hautes montagnes, circonstances toutes deux favorables au maintien d'une température plus élevée. On peut encore conclure à l'exactitude de cette hypothèse (celle de l'importance moindre des glaciers vers le sud), de ce fait que les pentes méridionales du Canigou

sont beaucoup plus régulières que celles exposées au nord et n'ont pas été, comme elles, creusées en sillons profonds, aux parois abruptes, qui forment les vallées actuelles. L'uniformité des pentes (qui n'est ici que relative, bien entendu) exclut, en effet, l'existence de puissants moyens de creusement et d'érosion tels qu'en offraient les glaciers, dont la puissance de transport a dépassé toutes les actions naturelles que l'on connaisse.

Le seul indice en faveur de l'hypothèse des glaciers qui fasse souvent défaut, c'est celui des roches striées,