Annales des Mines (1882, série 8, volume 2) [Image 18]

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NOTICE BIOGRAPHIQUE.

studieux ni plus intelligent. Le Play entra, en octobre 1825, à l'École polytechnique, où il fut sergent la première année et sergent-major la seconde. Il en sortit, en octobre 1827, le quatrième de la liste générale et le premier de la promotion des mines, promotion où nous trouvons les noms de Garella, de Reverchon et de Grouchy,

qui passa peu après à l'École des ponts et chaussées et embrassa, depuis, la carrière préfectorale. L'élève des mines fut aussi brillant que le polytechnicien. Logé avec quelques élèves des ponts et chaussées à l'hôtel du Luxembourg, rue Saint-Dominique-d'Enfer, n° 12 (aujourd'hui rue Royer-Collard), prenant ses repas chez Rousseau l'aquatique, de légendaire mémoire dans le quartier latin, Le Play ne quittait sa petite chambre d'étudiant que pour le laboratoire de chimie ou la salle d'étude de l'École, apportant à ses manipulations et à ses dessins une rigueur et une adresse sans rivales. Cinq ans après, lors de mon

séjour à l'École, on y gardait encore le souvenir d'une

analyse de tourmaline, qui avait duré deux mois et dont le procès-verbal était souvent consulté dans les registres du laboratoire (*). Le Play ne fit que deux années à l'École. A. la suite des examens qui terminèrent l'année scolaire 1828-1829 M. Becquey, directeur général des ponts et chaussées et des mines, lui écrivait : « Le conseil de l'École m'a donné connaissance des très remarquables succès que vous avez obtenus dans le dernier concours. Bien que vous n'ayez que deux années d'études, vous vous trouvez en tête de la liste des élèves et vous avez acquis 5.767 points de mérite, nombre auquel, depuis la fondation de l'École, n'a jamais atteint aucun élève, même de quattièMe' année. Je me plais à vous en féliciter et à vous en exprimer toute ma satisfac(*) Cette analyse est eerite dans les Annales des mines, 5* elle, tome 1, 1852.

P. G.

F. LE PLAY.

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tion. » Nous verrons bientôt que M. Becquey ne s'en tint point à cette lettre d'éloges. Le Play s'était lié d'une solide amitié avec Jean Reynaud, dont le caractère quelque peu dominateur s'accommodait avec la déférence du conscrit, déférence rendue d'ailleurs facile par l'admiration que ce dernier éprouvait, suivant la bizarre loi des contrastes, pour l'imagination enthousiaste et les aspirations mystiques de son ancien. Jean Reynaud, qui devait finir par un volume de philosophie religieuse, Terre et Ciel, avait commencé par le journal le Globe et le saint-simonisme. Il voyait la grandeur de la patrie dans une transformation sociale, découlant pacifiquement des dogmes de 89, qui lui avaient été inculqués dès l'enfance. Le Play opposait à cette platonique théorie les

solides arguments qu'il avait appris à tirer des faits de l'histoire, dans sa première éducation chez son oncle, rue

de Grammont, et plus tard à Saint-Lé près de M. Dan de la Vauterie. Sans s'attacher autant que son contradicteur à la méthode d'observation, Jean Reynaud ne repoussait point le projet de soumettre leur controverse à l'épreuve d' un voyage fait en commun dans cette Allemagne du Nord, qu'on vantait comme la patrie de la sagesse. Le Play fit donc agréer à son ami un projet qui devait leur faire visiter en deux cents jours, pendant la belle saison de 1829, les mines, les usines et les forêts des Provinces rhénanes, du Hanovre, du Brunswick, de la Prusse et de la Saxe. L'entre-

prise des deux amis devait entraîner une dépense supérieure à l'allocation que l'École accordait à ses élèves. Ils littéraires se procurèrent à l'avance, par quelques travaux leur était et scientifiques, le supplément de ressources qui

nécessaire, et M. Becquey, après avoir souri de la confiance avec laquelle Le Play prétendait allier l'étude des questions insociales à l'apprentissage de son métier, accueillit avec térêt ses plans de voyage et accorda aux jeunes ingénieurs une indemnité de campagne exceptionnelle.