Annales des Mines (1880, série 7, volume 18) [Image 90]

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ACCIDENT DU PUITS FONTANES

La journée du lendemain dimanche fut employée à déblayer complètement les travaux du niveau 246, et les deux avancements ne furent repris que le lendemain matin, 28 juillet, à 6 heures 2 o minutes. Le poste était composé des trois victimes : Baillac, Pascal et Salles. Baillac travaillait au chantier de droite, Pascal à celui de gauche, Salles leur servait de manoeuvre. Récit de l'accident et du sauvetage.

Le 28 juillet, à 5 heures du matin, le chef de poste Beaufils, accompagné du receveur, fit la visite du puits et des travaux du niveau 246. Ils trouvèrent les deux fronts de taille affranchis, débarrassés de tout charbon et de tout déblai, et ils ont déclaré qu'aucun coup de mine n'y était préparé. Le receveur constata que l'air était bon et pur; Beaufils, au contraire, qui est plus sensible à la présence du mauvais air, parce qu'il est asthmatique, sentit légèrement, à l'avancement, l'acide carbonique. Aussi, en remontant au jour, donna-t-il l'ordre aux trois mineurs du niveau 246 d'ouvrir le robinet du réservoir n° 3 (niveau 165) et de laisser l'eau couler pendant io minutes dans le puits, afin d'en assainir complètement l'atmosphère. Au bout de ce temps, Baillac, Pascal et Salles se rendirent à leur travail et renvoyèrent la benne au jour. Deux autres ouvriers, entrepreneurs du fonçage, nominés Combette et Ducros, se firent alors descendre à la profondeur de 525 mètres pour y construire un palier d'échelle. Ils terminèrent ce travail au bout d'une heure et se disposaient à descendre plus bas, quand ils entendirent une détonation semblable à celle d'un coup de mine, niais plus forte et plus brève. Combette crut à la rupture d'un organe des pompes et se gara au-dessous du palier; il remarqua, en même temps, que sa lampe continuait à vaciller comme sous l'action d'un courant d'air, ce qui de l'étonna, car la cloison ne dépassait pas la profondeur

DES HOUILLÈRES DE ROCHEBELLE (GARD)

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278 mètres; quant à Ducros, qui se trouvait debout dans la benne, il crut au tirage d'un coup de mine. Une minute s'était à peine écoulée, qu'un second coup, plus fort que le premier, se fit entendre ; au même instant, leurs lampes s'éteignirent et ils sentirent l'odeur caractéristique de l'acide carbonique, qui arriva subitement en si grande quantité, que Ducros s'affaissa dans la benne. Combette, plus robuste que son camarade, n'eut que le temps de défaire les attaches qui maintenaient la benne près de la paroi, d'y pénétrer et de crier : au jour ! puis il perdit ses sens. Le machiniste, auquel ces cris de détresse avaient été transmis, les enleva rapidement et ils arrivèrent au jour, sinon complètement évanouis, du moins dans un état de faiblesse tel, qu'on dut les soutenir et les aider à sortir de la benne.

A l'orifice du puits se trouvaient, à ce moment, le receveur et un chef de poste prêts à descendre. Ils ont déclaré n'avoir entendu aucune détonation et n'avoir compris qu'un accident venait d'arriver qu'en entendant les cris de détresse des deux ouvriers qui venaient d'échapper à la mort. L'ingénieur de la mine, M. Peyre, qui se trouvait non loin du puits, apercevant des mouvements inusités à la recette, s'y transporta aussitôt et, après avoir appris brièvement ce qui venait de se passer, descendit immédiatement par la benne dans le puits, accompagné par deux ouvriers spéciaux et un chef de poste et précédé par une lampe à feu nu, suspendue à l'extrémité d'une corde de o mètres de longueur : il s'était à peine écoulé dix minutes depuis la dernière détonation. Ces courageux sauveteurs arrivèrent ainsi à la profondeur de i 3o mètres ; là, la lampe s'éteignit. Us descendirent encore 20 mètres plus bas, appelant de toutes leurs forces ; niais personne ne leur répondit. Les lampes

qu'ils portaient s' éteignirent également ; ils éprouvèrent euxmêmes les effets de l'acide carbonique et durent se faire remonter au jour. M. Peyre ne prit que le temps d'avertir par