Annales des Mines (1879, série 7, volume 16) [Image 307]

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JEAN REYNAUD.

DISCOURS DE

M. L'INSPECTEUR GÉNÉRAL DAUBRÉE,

Membre de l'Académie des sciences, président des cinq Académies de l'Institut (*).

Extrait concernant M. JEAN REYNAUD, ingénieur des mines.

Une seconde et très généreuse fondation nous a été olferte, depuis notre dernière réunion générale. Le prix Jean Reynaud consiste en une somme annuelle de 10.000 francs que « chacune de nos cinq Académies doit, à son tour, et sans pouvoir le diviser, attribuer à une oeuvre originale, élevée, ayant le caractère d'invention et de nouveauté et

qui se serait prod lite dans une période de cinq ans. Le prix sera toujours accordé intégralement ; mais, dans le cas où aucun ouvra ge ne paraîtrait le mériter entièrement, la valeur serait décernée à quelque grande infortune scientifique, littéraire ou artistique. » Tel est le texte de la donation, par laquelle une noble femme a voulu holTeer la mémoire de celui dont elle fut la digne compagne et « perpétuer son zèle pour tout ce qui touche aux gloires de la France. »

Sans attendre que des hommes d'élite bénissent dans l'avenir la pieuse volonté dont ils recevront le bienfait, l'Institut est heureux de présenter à la fondatrice du Prix Jean Reynaud l'expression de sa gratitude.

(*) Ce discours a été prononcé le 9,5 octobre 1879, à la séance publique annuelle des cinq Académies.

DISCOURS DE M. L'INSPECTEUR GÉNÉRAL DAUBRÉE.

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Quoique doué, lui aussi, des facultés qui font le poète, c'est dans les sciences exactes que Jean Reynaud avait révélé, dès sa première jeunesse, les plus heureuses aptitudes. Sorti l'un des premiers de l'École polytechnique, il entra dans le Corps des mines, où il a terminé sa carrière officielle en professant, pendant trois années, à notre École, le cours d'économie et de législation des mines. Parmi les études auxquelles l'élève-ingénieur fut conduit, la géologie l'attira tout particulièrement, ainsi que l'attestent ses premières publications : l'une sur la région volcanique des bords du Rhin, dont l'intérêt, comparable à celui de notre

Auvergne, avait vivement frappé le jeune observateur ; l'autre sur la constitution minérale, alors peu connue, de l'île de Corse, qu'il s'était empressé d'explorer, aussitôt qu'il fut appelé à y faire ses débuts d'ingénieur. Une extrême générosité de caractère le porta à renoncer à ces fonctions, malgré le désir de sa mère, à laquelle il portait un profond amour. Il se sentait entraîné vers les théories sociales, qui fascinaient alors d'éminents esprits, et il voulait se consacrer entièrement à la propagation d'une doctrine qu'il croyait profitable tout ensemble à la science et à l'humanité. La diversité des questions qu'aborda Jean Reynaud, à partir du jour où il se dévoua chaleureusement à ce qu'il croyait un apostolat, nous saisit d'étonnement. Qu'on lise l'exposé général des connaissances humaines, qui forme l'introduction de son Encyclopédie, ou l'analyse de la sensation, ou l'appréciation des travaux de Cuvier, ou l'étude sur Pascal, considéré comme géomètre, on retrouve toujours, comme dans ses premiers ouvrages, le penseur et l' écrivain .

Des hautes régions spéculatives qu'habitait son esprit, le fécond auteur revenait, avec une prédilection marquée, aux sujets qui d'abord l'avaient captivé. Ainsi, partant des déformations que la surface terrestre a dû subir, sous