Annales des Mines (1877, série 7, volume 11) [Image 22]

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BIOGRAPHIE.

à-dire de l'épargne de la société, du travail accumulé par les générations qui nous ont précédés. C'est avec ce capital que l'on creusera des mines, que l'on percera des souterrains, que l'on fera de grands navires. C'est parce qu'il existe des ressources autres que celles produites par le travail journalier que l'on peut exécuter des travaux ; si,.pour vivre, tous devaient travailler à la terre, il n'y aurait ni mineurs, ni maçons, ni charpentiers. M. de Franqueville envisage ensuite d'autres questions de la plus haute importance. Quels sont le caractère et la mesure de l'utilité publique?

L'utilité publique ne peut se mesurer uniquement par la rémunération directe du capital employé. Cette mesure est

insuffisante. La route sur laquelle on a aboli les péages rend plus de services que lorsqu'elle avait des barrières. L'État doit donc intervenir au nom de tous, au nom des pauvres surtout; mais là encore il faut savoir comment agir. Appauvrir les riches pour enrichir les pauvres serait une déplorable faute; on accroîtrait seulement le nombre de ces derniers. Il faut augmenter le bien- être des classes les moins heureuses, mais non diminuer celui des classes qui possèdent déjà quelque chose.

Il faut enfin réagir contre les idées qui conduisent les foules dans les villes. Il y a dans notre pays d'immenses' travaux agricoles à organiser ; il y a des milliers d'hectares de dunes, de marécages, d'étangs; il faut rendre à la culture ces grandes surfaces. Des contrées peuvent produire

beaucoup, mais elles n'ont pas de chemins pour écouler leurs récoltes, il faut leur en donner. La dépense à faire est bien inférieure au résultat obtenu.

Voilà quelles étaient, il y a trente ans, les idées de l'homme qui devait être placé à la tête d'un des grands services de notre pays; on ne saurait concevoir des pensées plus justes et plus généreuses. La chaire des travaux publics au Collège de France fut

M. DE FRANQUEVILLE.

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supprimée, nous ne savons pour quel motif, et les études auxquelles M. de Franqueville s'était livré furent inutiles, non pas pour lui, qui y avait trouvé une occasion de se recueillir et de se fortifier encore par la nécessité de résumer ses connaissances et son expérience, mais pour le public. M. de Franqueville reprit au ministère son travail ordi Indre.

En 1849, le choléra fit à Paris d'assez grands ravages, et un certain nombre de personnes quittèrent la ville; on le pressa d'en faire autant. Il répond à ses amis de Bourgogne qu'on s'occupait bien peu du choléra à Paris, puis il parle récolte, élections, sans plus dire un mot des sollicitations auxquelles il avait à répondre. Faire son devoir et le faire sans bruit était sa règle de conduite invariable : ,( Le bien ne fait jamais de bruit », a dit La Bruyère. Les Années 1850-1851-1852. Chagrins de famille. deux années qui s'écoulèrent, de 1850 à /85_-.), sont dans la vie de M. de Franqueville extraordinairement tristes. A la fin de 1850, il eut le malheur de perdre sa femme, qui fut

enlevée à la suite d'une longue et douloureuse maladie; quelques mois après, son frère Amédée succombait après de vives souffrances. Les lettres adressées à M. de Montricher témoignent du chagrin profond, du véritable découragement que M. de Franqueville ressentait à ce moment. Les inventaires, les règlements d'affaires que la minorité de son fils, son unique enfant, rendent indispensables, lui causent les plus pénibles impressions ; tout lui est à charge, et le travail lui-même est impuissant à le détourner de ses tristes pensées. La situation politique générale du pays était fort pénible; les ministres se succédaient aux travaux publics avec une rapidité désespérante ; en moins de quatre ans, M. de Franqueville avait vu douze ministres. Il regardait comme impossible de mener à bien les affaires qui, comme celles des travaux publics, exigent toujours une longue suite dans