Annales des Mines (1877, série 7, volume 11) [Image 14]

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BIOGRAPHIE.

M. DE FRANQUEVILLE.

M. de Franqueville n'a jamais oublié ces temps douloureux, et il ressentait une légitime fierté au souvenir des épreuves soutenues par les siens et par lui. Pauper sum

toujours si difficile à résoudre; mais l'oncle BeautempsBeaupré put faire accepter son concours, et tout vint à

et in laboribus à jurentute mea; il a répété souvent ces paroles du Psalmiste à son fils, et celui-ci, en recueillant, pour ses enfants, les souvenirs destinés à faire vivre dans leur mémoire leur grand-père et leur arrière-grand-père, a choisi pour épigraphe ces mots qui résument des vies si honorables. Collège Louis-le-Grand. Ernest de Franqueville entrait au collége avec la ferme intention de 'se distinguer ; il n'avait que sept ans, mais il savait que le seul moyen d'adoucir les chagrins de sa mère était de lui apporter des couronnes; pendant neuf années il lui en fournit une ample récolte. Ardent en toutes choses, le premier en classe et le premier au jeu, il n'y avait, disait-on, que les mathématiques auxquelles il ne mordait pas. En rhétorique, il eut le prix d'honneur. Ses condisciples n'étaient pas cependant des rivaux à dédaigner. L'amiral Rigault de Genouilly, les généraux Soleille et Princeteau, le procureur général Petitjean, MM. Jules Lacroix, Amaury Duval, de Champagny étaient les camarades du jeune de Franqueville, qui comptait parmi ses anciens Drouyn de Lhuys, Jules Janin, Cuvillier-Fleury. Le baccalauréat ès lettres obtenu après la classe de philosophie (11e de Franqueville tenait fermement à la culture des lettres), il s'agissait de savoir ce que l'on ferait du brillant lauréat. Deux amis de la famille décidèrent que l'on

tenterait l'admission à l'École polytechnique. Ces amis étaient, le premier, un grand-oncle par alliance, l'illustre Beautemps-Beaupré, le fondateur du service hydrographique de la France; le second, l'intrépide général Dubreton, un des plus vaillants chefs de l'armée française pendant la

guerre d'Espagne. Ernest de Franqueville fut placé dans l'institution Mayer. Il y avait bien la question d'argent,

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souhait.

Au bout de moins d'un an de préparation, l'élève qui, au

dire de ses premiers maîtres, n'avait pas de dispositions pour les mathématiques, entrait le second à l'École polytechnique. Le chef de la promotion de 1827 était M. Chaperon, qui devait, pendant quarante ans, prendre une part considérable à la construction du réseau des chemins de fer français.

École polytechnique. Franqueville fut, à l'École, ce qu'il. avait été à Louis-le-Grand, un travailleur infatigable, mais

un travailleur aimable, de bonne humeur et n'ayant que des amis. Dans la précieuse collection des lettres qu'il a adressées à sa mère, collection conservée par celle-ci comme un de ses plus chers trésors, il existe des billets charmants qui témoignent à la fois de la tendresse inquiète de la mère et du profond amour du fils. On était en 1828. 11

y avait souvent des rassemblements dans les rues ;

Mme de Franqueville se troublait à la pensée de voir son fils traverser de semblables foules ; elle le conjurait de suivre, pour rentrer à l'École, des rues bien tranquilles. Ln dimanche au soir, le fils, aussitôt arrivé, s'empresse d'écrire à sa mère pour la rassurer ; il a suivi ses conseils, lui dit-il avec beaucoup de gaieté; il n'a rencontré sur sa route qu'une seule personne, le crieur public qui vendait la loi contre les attroupements; il l'a abordé pour lui acheter ce document, au risque de devenir ainsi lui-mème un fauteur de rassemblements. Nous ne suivrons pas notre jeune polytechnicien dans les deux années passées à l'École : à la sortie il obtenait le premier rang. Sur les conseils des vieux amis de sa famille, il choisissait le service des ponts et chaussées, et, le 20 novembre 1829, il était nommé élève ingénieur; il avait alors vingt ans et demi.