Annales des Mines (1876, série 7, volume 10) [Image 108]

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A LA VILLETTE.

EXPLOSION D'UNE CHAUDIÈRE A VAPEUR

Il a semblé opportun d'appeler l'attention sur cette

cause

de destruction des chaudières, qui n' est pas assez connue, en insérant dans les Annales des mines et dans celles des ponts et chaussées, l'extrait suivant du rapport lu à la Commission centrale des machines à vapeur, dans sa séance du 7 octobre 1874, par M. l'ingénieur en chef des mines, rapporteur

de ladite commission, au sujet de l'accident arrivé par cette cause dans l'établissement de MM. Lebaudy frères, raffineurs de sucre à la Villette (Paris), rapport dont les conclusions ont été adoptées par la Commission. Extrait du rapport lu à la Commission centrale des machines à vapeur.

Le 23 avril 1874, un bouilleur d'une chaudière à vapeur de la raffinerie de M. Lebaudy, à la Villette (Paris), s'est déchiré à sa partie postérieure, et l'eau bouillante mêlée de

vapeur qui s'est précipitée par cette ouverture a brûlé grièvement deux chauffeurs, qui sont morts des suites de leurs blessures. La déchirure, qui du reste a été peu importante, s'est faite sans commotion sensible et sans donner lieu aux perturbations qui accompagnent d'ordinaire les explosions de chaudières. Le local n'a éprouvé aucun dégât, le générateur n'a pas été déplacé et le fourneau est resté intact. La tôle avait cédé sous la pression normale de marche, par suite d'une détérioration du métal analogue à ce qu'on appelle vulgairement un coup de feu dans les appareils qui sont chauffés sans précaution. C'est ce qui résulte du procès-verbal qui a été dressé par M. l'ingénieur des mines Martelet et du rapport très-circonstancié dont il l'a fait suivre, en raison de la nature particulière des faits qui ont donné lieu à l'accident. te bouilleur qui s'est ouvert appartenait à un générateur important établi en 1872 et composé d'un corps cylindrique

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presque tubulaire, de deux bouilleurs inférieurs et d'un réservoir de vapeur distinct, situé a la partie supérieure.

Un mois environ avant l'accident, des boursouflures, accompagnées de suintements, s'étaient produites aux extrémités inférieures d'arrière des deux bouilleurs, vers le point où les flammes changent de direction, et avaient déterminé l'enlèvement et le remplacement de la tôle sur une longueur de orn,28 et une largeur de om,31. Dans le bouilleur de gauche, l'avarie, allant au delà de la virole cylindrique, avait entamé le fond bombé; aussi la pièce ajoutée avait-elle été établie en cuivre embouti, de manière à embrasser à la fois ces deux surfaces qui se coupaient presque à. angle droit. C'est cette pièce qui s'est déchirée après avoir subi un commencement de déformation. M. Martelet a attribué la déchirure à la présence d'un dépôt insoluble composé principalement d'un savon calcaire qui s'était formé au voisinage du débouché du tuyau d'alimentation et qui est dû à la nature des eaux alimentaires. Ces eaux .étaient de deux sortes : les unes, fournies par la ville, provenaient de la Seine et contenaient des principes calcaires; les autres, résultant de la condensation des vapeurs, renfermaient des matières grasses entraînées mécaniquement hors des machines qu'elles avaient servi à lubrifier.

Les graisses avaient réagi sur les carbonates en

dissolution dans l'eau et avaient formé un composé gras et savonneux qui enveloppait la tôle à l'intérieur d'un enduit isolant et dont l'interposition avait pour conséquence de surchauffer le métal au contact de gaz dont la température, d'après les constatations faites par M. Martelet, pouvait

s'élever au delà de 800°. On conçoit que, dans ces conditions, la pièce de cuivre se soit aigrie, boursouflée et qu'elle ait fini par s'entr'ouvrir. M. l'ingénieur en chef Meugy a adopté les conclusions de M. l'ingénieur ordinaire.