Annales des Mines (1874, série 7, volume 6) [Image 110]

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DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

comme déduction naturelle de tous ces rapports, concep fions systématiques, à la fois les plus logiques et les plu, grandioses : tel est le double caractère qu'il serait, il sen hie, injuste de refuser aux travaux de l'illustre maître, qui lui donne une portée tout à fait exceptionnelle. Ce double caractère se retrouve même dans les travatu d'un ordre plus modeste. Telle est cette description (leu chaîne des Vosges, publiée au premier volume de l'Explication de la carte géologique de la France, qui, bien qu'ée

crite presque au début de la carrière de M. Élie de Beau. mont, est restée un modèle, et dans laquelle on voit, eu quelque sorte, l'esprit de l'auteur planer sur les hautes régions dont il vient de définir et de préciser tous les ractères, et reconstituer, par la pensée, cette voûte immense que la vallée du Rhin est venue briser et diviser eu cm.

deux parts. L'enseignement de M. Élie de Beaumont portait aussice double cachet. Assurément, quelques-uns ont pu trouver exagérée cette minutieuse préparation de chiffres, de don. nées numériques, dont il faisait précéder sa démonstration finale. Mais quelle récompense attendait celui qui l'avait suivi pas à pas dans ce labyrinthe, en apparence inextricable, lorsqu'un rayon éclatant de lumière venait subitement en éclairer jusqu'aux moindres replis, et donnait, eu même temps, l'explication et la justification de tous les efforts que le professeur avait demandés à son auditoire! Comment ne pas rappeler ici avec une sorte de stupeur la puissance incomparable de travail dont il a fait preuve

au moment où il a clos, en 1852, son enseignement au Collége de France ? Pendant que ses profondes méditations enfantaient cette vaste théorie du réseau pentagonal, que ses nuits étaient, en grande partie, consacrées aux calculs arides qu'elle exigeait, le jour, il rédigeait la Notice qui, imprimée, au fur et à mesure de la composition, dans le Dictionnaire

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d'histoire naturelle, a formé trois petits volumes, et il trouvait encore la force de l'exposer devant ses auditeurs du Collége de France.

Et ce dévouement à la science, cette sorte de martyre volontaire qu'il s'imposait pour l'amour d'elle, étaient tellement ignorés de tous que c'est presque une indiscrétion, dont je dois peut-être demander pardon à sa mémoire, de venir aujourd'hui divulguer ces faits que sa modestie tenait si invariablement cachés.

Tels sont, ô mon cher maître, les exemples que vous nous avez légués. Et je ne parle pas ici seulement au nom de ceux de vos disciples qui, suivant de loin vos traces,

sont, sous vos auspices et par le choix de l'Académie, devenus vos confrères. Je viens aussi, à leur demande, exprimer les sentiments de respect, d'affection et d'immense regret que vous laissez dans l'âme de mes nombreux camarades, élèves externes de l'École des mines, dont on

peut dire que vous et votre digne émule et ami M. Dufrénoy, avez, les premiers, amélioré la position, soutenu et parfois couronné les efforts. Tous se souviennent que vous avez bien voulu présider à leur dernière réunion annuelle; tous vous remercient, par ma voix, des paroles élevées et affectueuses que vous a suggérées alors votre noble coeur.

Mais quel serait le concours d'éloges et de reconnaissance qu'on entendrait ici, si je pouvais rassembler autour de cette tombe tous ceux que votre main bienveillante a secourus dans la détresse ! Vous oubliiez vous-même le premier ces traits innombrables de générosité, dont la con-

naissance, ne nous est parvenue que par ceux que vous aviez obligés. Je veux respecter encore, à ces derniers moments, votre noble susceptibilité. Ce n'est pas nous, d'ailleurs, sur cette terre, qui pouvions vous donner le prix de telles oeuvres. Elles ont déjà trouvé, dans un monde meil-

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