Annales des Mines (1874, série 7, volume 6) [Image 107]

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DE M. ÉLIE DE BEAUIVIONT.

DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

facture large et par les matériaux nouveaux qu'il y faisait entrer, constituent autant de véritables mémoires, commencés avec bonté, dans l'intérêt seul des auteurs, terminés, avec élévation, dans l'intérêt plus vaste de la science. Une nouvelle édition de la carte géologique de la France, plus étendue, plus détaillée, plus locale, dont un magnifique spécimen figurait à l'exposition de 1867, se poursuivait sous sa direction. Les calculs relatifs à la véritable situation de tous les systèmes de montagnes et de leurs accidents secondaires occupaient ses moindres loisirs. Il embrassait dans ses études, avec la même rigueur, la même recherche de précision et la même profondeur, les grands événements géologiques de l'ancien monde, les phénomènes volcaniques actuels, et les actions lentes, telles que les érosions produites par les eaux ou les dépôts formés par les fleuves. La géologie tout entière a reçu son énergique empreinte et la conservera ; il suffira pour le prouver de publier l'ensemble de ses oeuvres, soin pieux qui appartient à sa famille et à ses élèves. M. Élie de Beaumont était doué de l'esprit le plus droit, du coeur le plus ferme et de l'âme la plus haute. Personne ne fut jamais plus fidèle dans ses amitiés. Étranger à toutes les combinaisons, il se laissait toujours diriger par la pas-

sion du bien et par l'amour du vrai. Tous les talents le trouvaient prêt à les soutenir avec la plus rare bienveillance; toutes les injustices, prêt à les combattre avec une implacable ténacité et souvent même avec :une véhémence

bien éloignée des habitudes polies et réservées de sa vie ordinaire. Membre et secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, professeur au Collége de France, inspecteur général des mines, sénateur, grand officier de la Légion d'honneur,

M. Élie de Beaumont avait obtenu tout ce qui pouvait honorer sa carrière; il n'avait jamais rien demandé, il n'avait pas eu à s'offrir on était toujours venu le chercher.

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Grand exemple I utile leçon! Le travail, les dons du génie, la sérénité de l'âme et la dignité de la vie suffisent

dans notre pays, dont il ne faut pas trop médire, pour

élever les hommes à leur niveau. Les nombreux et longs voyages entrepris dans toutes les parties de la France et de l'Europe par M. Élie de Beaumont l'avaient longtemps privé des douceurs de la vie de famille. Ses habitudes étant devenues plus sédentaires, il avait contracté une union offrant tous les gages d'un bonheur accompli. La personne d'une haute distinction, appartenant à l'illustre famille de Queen, qui était devenue sa compagne, était digne, par son intelligence élevée; d'être associée à sa gloire. La mort prématurée de Mme Élie de Beaumont, après quelques années d'une vie commune qui lui avait fait apprécier toutes les douceurs du foyer domestique, fut pour lui le plus grand des chagrins, que pouvaient seuls adoucir les soins et la tendresse du fils de son frère, véritable fils pour lui, et de ses petits-neveux. Le courage calme qu'il déploya plus tard Paris, pendant le siège et sous le coup des affreux événements de la 'Commune, tout entier à ses devoirs et à la surveillance des intérêts de l'Académie, pouvait faire illusion ; mais la tris-

tesse profonde avec laquelle il avait assisté aux malheurs de la patrie n'expliquait que trop l'altération sensible que nous observions avec inquiétude dans sa santé. B. a plu à la Providence de le rappeler à elle, à ce moment, dont il s'était fait à une grandie joie, où sa famille, réunie autour de son foyer hospitalier, dans l'antique domaine de ses ancêtres, se préparait à célébrer, aujourd'hui même, le soixante-seizième anniversaire de sa naissance.

Hélas! ce jour de fête est devenu, soudain un jour de

deuil.

Mais M. Élie de Beaumont comprenait tous ses devoirs ; il n'en négligeait aucun ; il était toujours prêt, et si l'ange