Annales des Mines (1874, série 7, volume 6) [Image 105]

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DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

Admis en 1817 à l'École polytechnique, M. Élie de Beaumont sortait, au premier rang, de cette pépinière féconde, entouré de toute l'affection de ses maîtres pour entrer à

l'École des mines, qui lui est restée si chère, dont il n'a jamais voulu se séparer, et où sa place de travail, depuis plus de cinquante ans, a toujours été glorieusement occupée.

Dès ses premiers pas dans sa carrière d'ingénieur, il se faisait remarquer par un mémoire magistral sur les terrains de grès des Vosges, et il se plaçait ainsi, du premier coup, parmi les géologues de la plus haute espérance. Envoyé bientôt en Angleterre avec son collègue et ami M. Dufrénoy, ils publiaient, à leur retour, la description des principaux établissements métallurgiques de ce pays,

alors peu connu de nos manufacturiers. Les conditions géologiques des exploitations de la Grande-Bretagne, les procédés employés dans les usines, les appareils en usage et les conditions économiques du travail étaient solidement étudiés dans ce bel ouvrage dont les descriptions sûres et sobres, savantes et pratiques, ont servi de modèle aux études analogues entreprises plus tard, et ont exercé une influence incontestée sur les progrès de notre métallurgie. Dès leur retour d'Angleterre, Élie de Beaumont et Du. frénoy furent attachés définitivement, sous la direction de M. Brochant de Villiers, à une oeuvre qui devait honorer leur vie. Lavoisier avait tenté, dans sa jeunesse, de concert

avec Guettard, de construire la carte géologique de la France; il en avait été distrait par les travaux immortels qui ont régénéré la chimie et la philosophie naturelle. Sa pensée, reprise avec les ressources d'une science plus avancée, avec le concours d'une administration persévé; rante, fut conduite à son terme par les trois illustres ingénieurs que la science et le pays aiment à confondre dans leur reconnaissance. Jusque-là, M. Élie de Beaumont -s'était fait remarquer -

DE M. ÉLIE DE REAumorrr.;

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par un grand sentiment du devoir, une puissance de travail extraordinaire, une vive pénétration. Il devait bientôt prendre place parmi les génies les mieux. doués, par une des plus belles conceptions, de la science moderne, en inscrivant sur les tables de cette chronologie qui remonte aux premières époques de l'existence de la terre, l'âge relatif des chaînes de: montagnes et l'ordre de leur apparition. Ce fut un grand événement, et l'Académie entendit, en 1829, avec une émotion profonde, les: révélations du jeune géologue,, venant établir sur d'incontestables preuves que les plus vieilles chaînes de montagnes de la France étaient celles de la Côte-d'Or en Bourgogne; que les Pyrénées et les Apennins étaient venus plus tard ; que le mont Blanc lui-même était encore moins ancien. en date et le SaintGothard plus jeune que lui. Les géologues les plus illustres de l'époque, sur le rapport d'Alexandre Brongniart, se montrèrent convaincus et se rangèrent à ces nouvelles opinions. Arago les propagea avec une chaleur communicative, et bientôt M. Élie de Beaumont vit ses découvertes consacrées par un succès profond et son nom, ce qu'il ne cherchait pas, entouré d'une auréole populaire. Vers la fin du siècle dernier, Werner avait établi la chronologie des événements qui ont donné à la portion plutonique de la croûte solide du globe sa contexture générale, en déterminant l'ordre de succession des roches, minéraux ou métaux, qui la constituent. Au commencement de celui-ci, Cuvier et Brongniart avaient fait voir que les fossiles déposés dans les terrains tertiaires avaient inscrit, par leur présence même dans ces couches neptuniennes, la date de leur formation d'une manière précise et durable. M. Élie de- Beaumont, complétant cette trilogie, venait prouver, à son tour, que les chaînes de montagnes pluto-