Annales des Mines (1867, série 6, volume 12) [Image 272]

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EAUX THERMALES DE LUXEUIL.

des matériaux la puissance massive du génie romain. On pense que ce travail formait un canal d'accès donnant entrée dans la conduite des eaux ferrugineuses, qui passaient au-

dessous ; quant aux tuyaux de conduite servant aux eaux ferrugineuses, les Romains les avaient établis en bois, dans la crainte d'altérer ces eaux par le contact de la pierre ou du mortier, et ils les avaient fait passer sous le radier de l'aqueduc, qui, à cet effet, ne repose sur la roche que par l'intermédiaire de semelles en bois. La tranchée creusée en 1856 fut établie le long du canal antique; on y obtint 9.750 litres d'une eau composée de griffons thermaux de 18 degrés à 22 degrés, et de suintements très-ferrugineux : une faible partie de cette eau fut conduite

directement à l'établissement, et l'autre partie se rendit au réservoir commun du puits Romain. D'autres travaux furent exécutés en 1857 et 1858, dans

l'espoir d'obtenir une affluence énorme d'eaux ferrugineuses. On découvrit à l'est du Temple une faille dirigée du

nord au sud, et qui constituait entre les strates du grès bigarré désunis de part et d'autre, un vide large et profond, comblé par des débris -de roche, des atterrissements, des dépôts ferrugineux, et remplis de minéraux cristallisés. Une venue d'eau importante s'y faisait jour ; cette eau était très-

chargée de fer, mais à mesure qu'on l'épuisait pour faire l'exploration de la faille, sa minéralisation allait en diminuant et finissait par devenir nulle. Le même effet se produisit dans les attaques en roche : la roche de grès laissait filtrer de l'eau qui se faisait jour par tous ses pores, comme si elle eût été emprisonnée dans un réservoir à parois perméables dans lequel elle aurait subi une pression. Mais ce réservoir n'existait nulle part, et cet effet n'était dâ qu'au mouvement souterrain des infiltrations ; les galeries percées dans la roche ne firent que donner un écoulement plus facile, mais trop facile à ces eaux, et leur minéralisation diminua. Il est résulté de ces essais l'indication de la véritable na-

EAUX THERMALES DE LUXEUIL.

519 ture des eaux ferrugineuses de Luxeuil, et du mode de captage qui devrait leur être appliqué. Elles ne sont pas de la classe des thermales ferrugineuses ; leur minéralisation ne se fait que dans les terrains sédimentaires. L'eau qui les

constitue provient d'ailleurs en faible partie de griffons thermaux qui sont doués d'une force d'ascension et viennent traverser la roche de grès bigarré de haut cubas, et en presque totalité d'infiltrations superficielles qui traversent le grès bigarré de bas en haut, et qui, à la faveur de l'acide carbonique qui s'échappe de cette roche dans un certain rayon

autour des courants thermaux, acquièrent la propriété de dissoudre le fer et le manganèse qu'elles peuvent rencontrer. Il ne faut donc pas provoquer trop vivement l'écoulement de ces eaux en leur ouvrant des passages plus faciles que ceux qu'elles se sont créés ; car elles cesseraient à l'instant, dans toute la région supérieure, de parcourir les fis-

sures de la roche de grès, et par conséquent de lui emprunter ses éléments minéralisateurs. Il faut se borner à recueillir les eaux au moment où elles sortent de la roche et cessent d'être sous pression ; et pour cela, il faut établir sur cette roche un simple travail collecteur, et se montrer très-réservé dans les moyens d'appel vers le collecteur ; en tous cas, ne produire cetappel que par des conduits empiétement immergés, afin d'éviter le contact de l'air. Quant à la quantité d'eau minérale ainsi obtenue, elle ne dépendra plus,

le terrain une fois donné, que de la longueur de la galerie collectrice que l'on pourra ou voudra établir, et elle sera généralement proportionnelle à cette longueur. C'est d'après ces principes que durent être établis les travaux de captage entrepris à nouveau en 1864. On avait de plus à éviter la décomposition à laquelle l'eau ferrugineuse de Luxeuil n'est que trop sujette, et l'une des conditions principales du cap-

tage devait être de maintenir l'eau à l'abri du contact de l'air, surtout de l'air se renouvelant; une autre, non moins impérieuse, était de la garantir de tout mélange avec les