Annales des Mines (1867, série 6, volume 11) [Image 233]

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CHANGEMENT DE VOLUME DES GLACIERS.

d'Aletsch comme subissant depuis plusieurs armées un fort notable retrait, et cependant il est pourvu d'un très-grand bassin d'alimentation entouré par la Jungfrau, le Mcench, les Viescherhcerner, l'Aletschhorn et autres sommités dont l'altitude atteint ou dépasse 4.000 mètres; il reçoit des affluents considérables, il est le plus long des glaciers du groupe des Alpes, car il n'a pas moins de 211 kilomètres

d'étendue, et il offre une épaisseur de glace estimée par M. Collomb à 3oo mètres en moyenne. Mais ce glacier est

exposé en plein sud, et sa surface, très-peu chargée par les débris des roches encaissantes, n'est en aucune manière protégée contre la chaleur extérieure. On a tout lieu de penser que les glaciers des Alpes, dans leur généralité, sont aujourd'hui bien' près de leur minimum d'extension, puisqu'a la faveur de la saison froide et pluvieuse de 1866, ils ont été tous plus ou moins chargés de neige à une époque de l'année où la glace est habituellement découverte. Dans mes récentes excursions aux environs de Zermatt et de Chamonix, j'ai trouvé, sur tous les glaciers, des neiges

de l'armée; sur celui du Tacul, notamment, j'ai constaté des accumulations de neige considérables qui, sur un point, dans les séracs du Géant, atteignaient, suivant l'évaluation de mes guides, jusqu'à 2o mètres d'épaisseur. Nous étions alors au mois de septembre, et des neiges aussi fortement tassées ne devaient plus disparaître avant l'hiver. Si l'été de 1867 n'est pas plus chaud que celui de 1866,

il ne serait pas étonnant que l'épaisseur des glaciers venant à augmenter de plus en plus, il en résultât bientôt, d'une manière générale, un mouvement progressif du pied des glaciers dans toute la chaîne des Alpes. On peut croire que des investigations semblables à celles dont je viens de rendre compte, répétées dans toutes les chaînes de montagnes à glaciers, conduiraient à la découverte de règles d'après lesquelles on connaîtrait, jusqu'à

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un certain point, la mesure clans laquelle les glaciers sont

accessibles aux variations de volume, ainsi que les circonstances météorologiques dont le concours les favorisait. Rarement, dans l'observation des glaciers, le travail intellectuel s'arrête aux questions de date et de science dont

ma notice offre une légère esquisse ; cette étude acquiert un attrait particulier par la beauté des lieux où elle nous conduit. Sous l'influence de la grandeur des sites dont l'observateur est entouré, sa pensée, dégagée des petitesses de la vie habituelle, s'élève par degrés jusqu'à l'infini et même au déclin de la vie, quand les brillantes couleurs de la jeunesse ont perdu leur éclat, Pâme, saisie d'admiration en présence de pareilles splendeurs, subit un charme inexprimable et s'abandonne aux plus irrésistibles entraînements.

P. S. J'ai revu les glaciers de Gorner et de Findelen au mois d'août 1867.

Le glacier de Findelen dépourvu de moraines dorsales dans sa région antérieure se montre complétement à découvert, et continue de s'amoindrir, sans même laisser de moraines frontales permettant d'évaluer le retrait. Une grande moraine latérale bordant la rive gauche du glacier témoigne d'une ablation considérable.

Quant au glacier de Gomel', malgré les puissantes moraines qu'il charrie sur son dos, il a diminué en largeur et en épaisseur; quant à la longueur, j'ai mesuré 49 mètres de la moraine frontale extrême au pied actuel du glacier. Il subit donc aujourd'hui la loi commune, il est entré clans sa période d'amoindrissement.