Annales des Mines (1867, série 6, volume 11) [Image 232]

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CHANGEMENT DE VOLUME DES GLACIERS. 438 delen. Mais comment se fait-il que ce mouvement n'ait pas

été balancé et même vaincu par l'influence de la chaleur, et que le mouvement progressif se soit maintenu jusqu'en 1864?

Il doit y avoir là des causes particulières. En effet, l'extrémité du glacier, encaissée dans une vallée profonde, étroite, et ouverte au nord, se trouve exposée aux vents les plus froids, en même temps que protégée contre

les premiers et les derniers rayons solaires de la journée; l'air y restera froid plus longtemps que dans une vallée différemment orientée; l'action directe des rayons du soleil, moins longue qu'ailleurs, sera nécessairement moins efficace, et il en résultera une différence en moins de plusieurs degrés de chaleur, à la faveur desquels les glaces, du pied, restées à l'état solide, avanceront, en obéissant à la pression d'amont. Ajoutons à cela que les nombreuses moraines dorsales qui paraissent à la surface de Gorner comme autant de rubans noirs, se rapprochent entre elles, dans la région inférieure, et que ce qu'il en reste sur le glacier protège le pied de celui-ci contre l'action directe de la chaleur. L'accumulation des pierres est beaucoup moindre sur l'autre glacier. En résumé, l'influence des années chaudes a dâ s'exercer aussi bien sur Gorner que sur Findelen, en amollissant leur

niasse, en la rendant plus docile à l'effet de la pesanteur. Mais, à Eindelen, l'action des affluents a été moins puissante en même temps que le pied du glacier, énergiquement entamé par les rayons solaires, surtout par ceux de la fin, du jour, n'a pu se maintenir à l'état solide, et il s'amoindrissait de plus en plus par la fusion. On m'assure

qu'il est celui de la contrée dont le retrait a été le plus

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être prolongée, l'ablation s'y est produite plus lentement qu'à Findelen, en même temps que le pied du glacier, beaucoup moins accessible à la fusion, descendait, dans une vallée étroite, sous l'impulsion d'une masse plastique énorme.

Cependant l'action continue de la chaleur, notamment en

1865, où les beaux jours ont duré jusqu'à la fin de septembre, a fini par l'emporter, et le glacier de Gorner, ren-

trant dans la règle générale, a manifesté, en 1866, un commencement de retrait, ainsi qu'il a été dit plus haut. Il m'importait de savoir si d'autres faits recueillis dans la contrée viendraient à l'appui de mon opinion sur l'influence de l'orientation, et notamment sur celle de l'exposition d'un glacier au soleil couchant; par ce motif, je visitai, en août 1866, le glacier de Zmutt. Ce glacier, dont la direction dominante est de l'ouest à l'est, descend du mont Cervin et de la Dent d'Hérens ; il reçoit aussi des affluents de la Tête Blanche et de la Dent Blanche. Abrité contre les vents chauds du sud par cette colossale crêté de rochers dont la Dent d'Hérens et le Grand Cervin sont les cimes dominantes, il a le pied défendu contre les rayons solaires de la fin du jour, par les ombres portées de ces hautes montagnes. Ce glacier doit donc subir moins vite que d'autres l'influence des années sèches et chaudes (*). Et en effet, si l'on en juge par les situations relatives des glaces actuelles et des anciennes moraines frontales, le glacier .de Zinutt aurait relativement peu reculé. Des faits analogues se sont passés ailleurs. Ayant communiqué mon travail à M. Édouard Collomb, cet habile observateur, après avoir rappelé l'influence exercée sur l'ab-

lation par les moraines superficielles, m'a cité le glacier

prononcé.

A Gorner, au contraire, l'impulsion donnée par des affluents nombreux, puissants, et orientés vers le nord, a dû

(*) Il ne faut pas omettre que le pied du glacier est aussi protégé contre rintluence solaire par des masses de pierre considérables provenant des moraines qu'il amène avec lui.