Annales des Mines (1867, série 6, volume 11) [Image 229]

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CHANGEMENT DE VOLUME DES GLACIERS.

CHANGEMENT DE VOLUME DES GLACIERS.

Chaque glacier a son histoire individuelle dont les faits principaux se lisent sur les parois des rochers avec lesquels il s'est trouvé en contact, et dans les moraines déposées par lui à des époques plus ou moins reculées. Il a eu ses temps fabuleux ; il a ses siècles d'histoire ancienne et d'histoire moderne; il a contracté des alliances avec des voisins dont la puissance a varié comme la sienne ; il a été envahisseur pour rentrer ensuite dans des limites moins étendues, laissant toujours après lui la dévastation et la stérilité. Tout le monde sait aujourd'hui que, soumis à un mouvement continu dans le sens de la pente des terrains qu'ils recouvrent, les glaciers subissent en même temps des variations de volume, que ces modifications portent tantôt sur leur épaisseur, tantôt sur leur longueur, et tantôt à la fois sur l'une et sur l'autre de ces dimensions. M. Clémenz, membre du conseil des états de la confédé-

ration helvétique, qui, depuis 1851, passe tous les étés à Zermatt, d'accord avec d'autres observateurs, affirme que

la diminution dans l'épaisseur d'un glacier, ce

qu'on

nomme l'ablation, précède toujours l'amoindrissement de

la longueur, fait entièrement d'accord avec la

théorie

admise.

Dans la règle, on peut affirmer que l'action des agents atmosphériques sur les glaciers d'une contrée produit simultanément les mêmes effets, qu'en particulier, ils présentent une similitude à peu près générale dans les variations du volume. C'est ainsi qu'après les années 1816 et 1817, années

sin-

gulièrement froides et pluvieuses, j'ai vu les glaciers

des

Alpes atteindre le maximum du développement signalé, jus-

qu'ici, dans le siècle où nous vivons ; le glacier de Gétroz avait barré la vallée de Bagne, et celui des Bossons menaçait d'atteindre l'Arve dans la vallée de Chamonix ; tandis qu'après les étés chauds et secs de 1863, 1864 et 1865, j'ai

435 pu constater un amoindrissement général des glaciers de la chaîne du MontBlanc, dans ceux du Valais, de l'Oberland bernois, des Grisons et du Tyrol. Cependant on connaît aussi des glaciers, même rapprochés les uns des autres, qui ont échappé à la règle de similitude de leurs modifications, et qui, pour être voisins n'en offrent pas moins des changements en sens inverse. Tels sont, aux environs de Zermatt, les glaciers de Gorner et de Findelen (Pl. XI, fig. 2). Lors de ma première visite de cette belle contrée, c'était en i844, je fus très-frappé de trouver le premier de ces glaciers en voie de progression, tandis que le second offrait des traces de rétrogradation plus ou moins anciennes, comme il était facile de le constater par la position des moraines terminales relativement aux glaces les plus rapprochées.

J'ai su depuis, que vers 1850 l'épaisseur de ce glacier

avait beaucoup diminué ; qu'a partir de 1851, le pied de

Findelen s'était retiré de plus en plus et d'une manière plus prononcée qu'aux autres glaciers des environs de Zermatt.

A cette époque, les glaces de Gorner, après avoir comblé un vallon recouvert par de beaux pâturages et contenant quelques habitations, avaient atteint un bois de mélèzes, et, soulevant devant elles le sol comme un gigantesque soc de charrue, elles en renversaient les plus gros arbres comme des brins de paille. La forêt était bordée à l'aval par une prairie dans laquelle se trouvaient disséminées des maisons dont les unes servaient de granges, les autres d'habitations; toutes étaient alors évidemment menacées par le glacier, dont suivant, NI. Clémenz, l'avancement s'était élevé jusqu'à

22 mètres en 1855. Quand je visitai le pied du glacier de Gorner, en 1862, la forêt, la prairie avec ses maisons, avaient disparu sous les glaces qui poussaient devant elles une imposante moraine.