Journal des Mines (1794-95, volume 2) [Image 222]

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LETTRE Du C.

SILVESTRE , à Charles COQUEBERTJ Paris , c

ii Messidor, l'an IH.

Tù m'as demandé, mon cher ami, des renseigneMens sur la découverte que le citoyen Jean-Baptiste Michaut a faite d'arbres bituminisés et durcis dans

le courant de la Seine, à la hauteur de Vitry près Paris : cette découverte ne lui est pas particulière

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quant à l'état du bois. Nous avons vu, dans les débris

de plusieurs ponts, leurs piliers acquérir une couleur

-et une dureté semblables et on a fait des cannes et d'autres petits Meubles avec du bois passé à cet état par son séjour dans la rivière de Seine. Des fouilles

faites au pont de la Révolution, ont aussi présenté le même phénomène sur un arbre entier. On savait donc déjà que le séjour du bois de chêne dans l'eau lui donnait cette singulière propriété, mais on ignorait qu'il en existât en si grande abondance aux envirens de Paris, et que le cours de cette rivière et de la Marne, dans une étendue assez considérable à cette hauteur, attestât encore l'existence des anciennes forêts habitées par lés Druïdes , enfouies depuis ou entraînées par des événemens ultérieurs qui nous sont inconnus. Les arbres trouvés par le citoyen Michaut , sont entiers avec leurs branches et leurs racines ; le corps ligneux a pris une couleur noirâtre ; il a acquis un grand degré de dureté et de pesanteur; il est suscep-

tible d'un beau poli , et pourrait être substitué à l'ébène dans quelques ouvrages. Il est à remarquer que ce bois ainsi durci se trouve dans les parties sablonneuses et à peu de profondeur ; celui , au contraire,

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it

tontraire, qui a séjourné dans l'argile, se pourrît et se délite facilement. Ce citoyen qui, par un travail et une constance exemplaires , a construit lui seul une maison en pisé près Vitry-sur-Seine, qui, depuis

trois années, a augmenté ce petit domaine et cultivé son champ , qui a tout fait par ses propres mains pour sa famille, en la nourrissant par son trav ail et par un assez faible commerce d'arbres et de cidre ; cet homme étonnant, qui, mieux que l'insulaire industrieux dont nous lisons le roman avec tant d'intérêt a su faire servir les productions les plus brutes de la nature à satisfaire les besoins de l'homme civilisé ,

le premier trouvé ce bois durci dans le sable de la Seine ; il a exploité avec ardeur-cette mine qui lui

appartenait à titre de premier occupant, il se l'est appropriée comme un objet encore inconnu qui ne pouvait servir à personne ; et, aprèsdes peines innies, il est parvenu à en tirer suffisamment pour en former la çhatpente de ses planchers. C'est une course digne des méditations du philosophe penseur, que d'aller voir ce philosophe actif, qu'aucun travail n'effraie ni ne rebute, et qui parvient seul à-tout créer avec l'intelligence et le temps, sans le secours d'aucun autre homme , et sans aucun autre fonds que l'emploi de ses propres journées. vient, seul, de creuser un puits d'environ 6o pieds, dans un pays où la pierre se trouve .souvent à une assez petite profondeur : il a percé plusieurs couches de pierre siliceuse, et est enfin arrivé à une pierre argilo-calcaire i-emplie de Coquilles marines, qui 'est d'une telle dureté , qu'elle émousse sa pioche et ses autres outils, et qu'il ne peut pas l'entamer. II n'est pas rebuté et va reprendre son ouvrage à l'aide d'une tarrière, et se servir de la poudre pour conti-

nuer' ses recherches. Que ceux qui liraient cette .hurnal des Mines, Thermidor, an III.

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