Annales des Mines (1873, série 7, volume 4) [Image 165]

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M. DE VERNEUIL

ET SA COLLECTION PALÉONTOLOGIQUE.

vail fondamental ; ce mémoire fait ressortir la place qui appartient à la paléontologie dans les investigations relatives à l' histoire du globe. C'est peut-être le plus beau titre

M. de Verneuil était depuis 1.854 membre libre de l'Académie des sciences. La Société royale de Londres et d'autres Académies étrangères avaient tenu à se l'associer. Son goût pour les voyages, qui a été si fécond pour la géologie, n'avait pas diminué lorsque la faiblesse croissante de sa vue en détruisait le charme principal.

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de M.. de Verneuil.

Cependant il est une autre entreprise qui témoigne plus hautement encore de son dévouement sans limite à la science

et de son infatigable persévérance. L'Espagne avait été beaucoup moins étudiée que la plupart des autres parties de l'Europe, lorsque M. de Verneuil songea à tourner ses pas de ce côté. Il y fut d'ailleurs engagé par Blainville, qui ne croyait pas à l'universalité .des lois de la paléontologie. Si la succession des terrains et des faunes qui les caractérisent lui semblait bien établie pour le nord des deux

continents d'Europe et d'Amérique, ce grand naturaliste supposait qu'en Espagne, dans le ,sud principalement, l'ordre

de succession des espèces fossiles devait être renversé ou au moins modifié : supposition qui fut loin de se réaliser. De 1849 à 1862, M. de Verneuil n'a pas exécuté moins

de douze voyages dans la Péninsule, tantôt seul, tantôt avec M. Édouard Collomb, qui s'était fait connaître par ses travaux sur les anciens glaciers ; quelquefois aussi avec de

jeunes naturalistes qui l'ont accompagné dans le but de s'instruire. De très-nombreux fossiles ont été recueillis par lui, et les lois de la paléontologie ont naturellement reçu une

éclatante confirmation, comme partout di s'étendent les observations des géologues. La carte géologique de l'Espagne et les mémoires publiés à la suite de ces laborieuses excursions, entre autres celui qui signale la découverte de la faune primordiale, n'intéressent pas seulement l'Espagne, où elles ont provoqué d'autres travaux, mais tout le monde savant en général. On doit toutefois regretter que l'auteur de tant d'observations précieuses n'ait pas trouvé le temps de les mettre en ordre, et d'en constituer un ensemble comparable à celui dont la Russie avait été l'objet.

Les privations qu'il fallait endurer dans les pays les moins civilisés ou les plus inhospitaliers n'altéraient jamais

ni son zèle, ni sa bonne humeur. Plus d'une fois il s'est aventuré jusqu'à l'imprudence, par exemple lorsqu'il allait contempler de trop près quelque éruption volcanique, au Vésuve ou à l'île de Santorin. .Un jugement très-droit et une complète indépendance de toute idée préconçue le guidaient dans ses déductions. Loin d'être absorbé dans ses occupations,.il s'intéressait à des branches très-variées des connaissances humaines. Il possédait parfaitement plusieurs langues vivantes ; c'est

un des moyens qui ont assuré ses succès dans les pays qu'il a explorés. Les arts eux-mêmes n'étaient pas exclus de ses goûts ; il avait poussé le talent de la musique jusqu'à devenir un habile improvisateur. Sous le rapport du caractère moral, personne ne possédait plus de bienveillance naturelle. Son extrême bonté ne se manifestait pas seulement dans les rapports de société, mais aussi par de nombreux actes de bienfaisance. Il discutait avec calme et douceur les opinions les plus opposées aux siennes. Une loyauté exquise et une modestie sincère étaient les traits dominants de ce noble caractère. 11 trouvait bien plus de plaisir à s'entretenir des découvertes d'autrui que

des siennes propres, et peut-être l'occasion aura-t-elle manqué à plus d'un de ses confrères d'apprécier l'étendue de ses mérttes.

Pendant la maladie qui, durant trois mois, a mis des entraves à son activité, il continuait à s'intéresser très-