Annales des Mines (1873, série 7, volume 3) [Image 97]

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SUR M. SAUVAGE.

NOTICE NÉCROLOGIQUE

et variés, Sauvage avait trouvé le moyen de consacrer assez

de temps à ce laboratoire pour en faire sortir un grand nombre de faits utiles. Les analyses don t il s'agit, ainsi que d'autres, qu'il exécuta

plus tard pour servir aux descriptions minéralogiques et géologiques des départements de la Meuse et de la Marne, ne font pas seulement connaître la nature et les proportions des éléments constituants des roches ; leurs propriétés

sont étudiées d'une manière méthodique et approfondie. Comme cela devait être, les minerais de fer occupent une place considérable : toutes les substances y sont recherchées avec le plus grand soin, celles mêmes qui ne s'y trouvent que par traces. Ses études sur les calcaires, au point de vue de leurs propriétés hydrauliques, apprennent qu'en dehors des bancs de la partie inférieure du calcaire à gryphées arquées auxquels l'extraction s'était bornée jusqu'alors dans ces départements, on peut en exploiter dans beaucoup d'autres étages. Les marnes plus ou moins pyriteuses et les terres noires à raison de leur emploi dans l'agriculture, soit à l'état cru, soit après calcination, appellent aussi son attention, et il constate ainsi que les incuits obtenus dans la calcination, par exemple avec la marne de Flize, constituent des pouzzolanes énergiques. Les analyses d'argiles, celles des tourbes de Mayrupt et de la vallée de la Bar, celles des terres végétales des environs de Fumay sont aussi très-instructives. Ces diverses recherches chimiques montrent combien il importe que l'étude géologique d'un pays ne se borne pas à de simples descriptions de roches et à la détermination de leurs débris fossiles, mais qu'elle pénètre clans leur constitution intime et dans leurs propriétés.

D'ailleurs des études aussi judicieusement dirigées ne présentent pas seulement un intérêt pratique et local; elles mettent souvent en lumière des faits remarquables au point de vue de la théorie.

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Comme exemple, je signalerai la diffusion de la silice hydratée qu'un examen attentif a fait découvrir à Sauvage. Il existe dans les Ardennes une pierre désignée sous les noms vulgaires de gaie ou de pierre morte, qui est reconnaissable à ses caractères physiques : elle est grise, tendre, légère, extrêmement gélive ; elle ne peut être employée que pour les constructions qui .sont à l'abri de la pluie et de la gelée; elle constitue des couches situées à la base du gault. Sauvage découvrit que la silice hydratée et soluble dans la potasse forme une partie considérable du poids de cette roche (s). L'année suivante. il constatait un fait semblable dans les couches du département de la Marne qui appartiennent au même étage, et où la proportion de silice soluble s'élève à 67 p. ioo. Comme ces couches atteignent une épaisseur de plus de 100 mètres, et que d'ailleurs elles se prolongent bien au delà des deux départements que l'on vient de citer, la précipitation de la silice qu'elles attes-

tent constitue un caractère intéressant du régime de la nappe d'eau qui couvrait ces régions, pendant une partie de la période crétacée. Amené à étudier à ce point de vue nouveau la partie du terrain jurassique qui appartient à l'étage de l'oxford-clay, Sauvage reconnaît avec étonnement que la plus granae partie des roches qui la composent contiennent aussi au delà de moitié de leur poids de silice soluble. Toute la formation qui a 120 Mètres de puissance, à l'exception de sa partie supérieure qui contient du calcaire, est formée de cette roche siliceuse, laquelle alterne avec des marnes noires et grises. Enfin certaines roches tertiaires du département de la Marne lui montrent la même constitution. Dans nos laboratoires, c'est toujours à l'état hydraté que la silice se sépare en présence de l'eau, dans la décompoCl Annales des mines, 5° série, tome XVIII, page 50, 184o, et tome XX, page 201.