Annales des Mines (1862, série 6, volume 2) [Image 301]

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EXTRAITS DE GÉOLOGIE POUR L'ANNÉE 1861.

léontelogiques actuelles ; les faits ont été groupés avec beaucoup d'art autour de deux idées fondamentales : i° la nature possède en elle-même une force qui lui est immanente et qui tend à étendre, È modifier sans cesse les formes que revêt la matière organisée ; 2° le progrès ou, si l'on veut éviter ce mot, le développement spontané de la nature organique est contre-balancé sans cesse par le développement de la nature physique, inorganique, qui obéit à des lois particulières et indépendantes. La planète a, en effet, si l'on me permet ce mot, son histoire à part, histoire qui s'écrit dans les révolutions du globe, dans les changements des mers et des continents, dans les variations de la température, de l'état atmosphérique, dans cette multitude de phénomènes qui ne seraient nullement modifiés en supposant que la terre n'eût aucun habitant. Il n'y a pas toujours accord, concordance entre la loi que M. Br onn qualifie de terripétale, c'est-àdire entre la loi du développement planétaire de notre globe et la loi du développement organique : de là des discordances qu'on a souvent tournées comme de victorieuses objections contre les idées théoriques de Lamarck et de ceux qui ont adopté la notion du progrès dans la nature. Ces accidents obscurcissent à nos yeux le tableau du monde organique ; mais les harmonies partielles que la science y découvre justifient cependant les inductions qui enveloppent tous les phénomènes dans une harmonie générale. Transformation des espèces. 11 ne faut point croire pourtant que M. Br o nn admette, de près ou de loin, l'idée de la transformation des espèces : il la repousse non- seulement sous la forme que Lamarck lui avait donnée, mais il ne paraît même nullement disposé à admettre les ingénieuses idées auxquelles M. Ch. Darwin (1) vient de donner tant d'éclat et de popularité. Ce savant observateur a relevé tout ce qu'il y avait de fautif ou d'artificiel dans les caractères de nos espèces et de nos variétés pour affaiblir en quelque sorte la définition de l'espèce. S'empa-

rant du fait incontesté de la reproduction des caractères organiques par voie d'hérédité, il soutient que si une variété animale jouit de caractères spéciaux, transmissibles de génération en géné-

ration et capables de lui donner quelque avantage dans la lutte incessante que se livrent tous les êtres à la surface de la planète, les variétés moins favorisées disparaissent fatalement devant elle; clans la bataille de la vie, les plus faibles doivent céder la place (01The Origin of species, by Charles D a rwin.-L London.

TERRAINS.

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aux plus forts ou, pour parler plus exactement, à ceux qui sont le mieux appropriés aux circonstances extérieures. Lamarck

avait déjà fait ressortir l'influence du milieu ambiant, mais M. Darwin a eu le mérite de comprendre bien nettement que dans ce milieu, il n'y a point d'agent plus actif que la faune et la flore elles-mêmes. Il a fait ressortir que parmi les circonstances ext

rieures, il fallait compter non-seulement les actions physiques, mais encore la réaction de toute la nature animée sur chacun des êtres qui s'y trouve compris ; à la faveur des solidarités multiples, des conflits perpétuels qui s'y établissent, il s'opère perpétuellement un travail de transformation, d'exclusion et de renouvellement, que M. Darwin nomme heureusement la sélection naturelle. Les formes organiques vont ainsi en se modifiant d'âge en âge ; et si l'on fait intervenir l'infini des temps, on peut se laisser facilement entraîner jusqu'à l'idée de la transformation continue des espèces en variétés et des variétés en espèces nouvelles. Cette doctrine, ainsi rajeunie et soutenue par M. Darwin avec un incontestable talent, n'est point celle de M. Br o nn ; pour lui, le progrès dans la nature organique ne s'exprime point par une transformation des espèces,

mais par une simple succession chronologique ; les termes de la série se suivent sans se toucher en aucun point ; la force, à la fois destructive et créatrice, qui en détermine la succession ne doit être cherchée dans aucun des agents naturels qui nous sont connus. Les idées de M. Darwin ont aussi trouvé un adversaire déclaré dans M. Agassiz (i) : ce dernier a cependant déclaré, dès longtemps,

qu'il avait reconnu une concordance exacte entre la succession chronologique des êtres et entre les métamorphoses de la vie embryonique. Cette notion, s' importante au point de vue paléontologique, lui a même inspiré des vues nouvelles en ce qui concerne la classification zoologique; mais l'idée d'une filiation quelconque entre les espèces n'en est pas moins repoussée par le savant naturaliste avec la plus grande vigueur. En terminant ces généralités, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que la paléontologie tend à prendre une place de plus en plus importante dans la zoologie générale : car les lois qui règlent

la vie et ses transformations doivent se plier non-seulement aux phénomènes présents, mais encore à ceux dont l'ensemble des terrains géologiques nous laisse voir encore tant de traces. Foras vinifères. Nous mentionnerons maintenant quelques travau spéciaux de paléontologie, et d'abord lions indiquerons Contributions to the 1Vcitural History of the United States, vol. III.

buid ge.

Cam-