Annales des Mines (1855, série 5, volume 7) [Image 324]

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la société d'encouragement met au concours des problèmes dont la solution , si on peut l'obtenir, remédierait au mal. Qu'il me soit permis d'offrir un faible tribut à cette uvre éminemment patriotique et d'examiner si l'on doit rationnellement espérer des résultats pratiques des termes dans lesquels la question a été posée. La société d'encouragement invite les chimistes à se livrer à la recherche de produits nouveaux qui remplaceraient le borate de soude et l'acide borique, et signale notamment les phosphates à leur attention. Je renonce à aborder cette question, pour laquelle je me reconnais tout à fait incompétent. Je me bornerai donc à hasarder quelques appréciations seulement sur la seconde partie du programme qui décerne des récompenses à ceux qui découvriront en France, ou dans les possessions françaises, des gisements exploitables d'acide borique, et une médaille à qui introduira chez nous des matières autres que le tinkal brut et l'acide borique de Toscane, en quantité suffisante pour une exploitation régulière. Les encouragements proposés ont-ils d'abord une importance suffisante pour stimuler l'ardeur et l'activité privées? Je ne le pense pas, et voici les raisons sur lesquelles je base mon opinion à cet égard : Si un homme était assez heureux pour rencontrer des gisements exploitables d'acide borique en France ou ailleurs, il trouverait dans cette découverte des éléments de fortune qui lui feraient attacher pende prix à une faible rémunération, et il n'est pas probable, en tout cas, que l'appât d'une minime récompense suffise pour déterminer des recherches qui entraîneront forcément un sacrifice de temps et des frais de déplacement. Je crois donc qu'à cet égard le prix et la médaille offerts n'exciteront pas l'émulation, à moins que le gouvernement, venant en aide aux ressources limitées de la société d'encouragement, n'augmente de beaucoup l'importance de ces offres. Un coup d'oeil rétrospectif est nécessaire ici pour éclairer la situation. Dans les traités de chimie publiés depuis assez longtemps

déjà, on trouve signalé la présence du borate de soude brut dans l'île de Ceylan ; dans la Tartane méridionale; en Transylvanie , en Hongrie, dans la basse Saxe ; dans les mines de Viquintizoa et d'Escapa , province de Potosi ; dans les lacs du

Sind. Cependant, malgré cette constatation, il ne paraît pas

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que l'industrie ait, jusqu'à présent, exploré ces contrées, ni cherché à en rien tirer, et l'Inde seule nous a envoyé son tinkal en quantité plus ou moins considérable, selon la faveur que ce produit trouvait sur le marché européen. Ainsi, depuis que

les besoins de la consommation ont prouvé l'insuffisance de l'acide borique, il s'en est fait de Calcutta en Europe des expéditions importantes, et, dans le cours de l'année dernière, il en a été chargé à ce point de départ près de 250.000 kilogrammes, dont une très-faible partie pour la France, attendu que les possesseurs du monopole anglais, pour éviter une concurrence, ont le soin de faire acheter sur place et à l'avance la presque totalité de ce qui descend sur le marché de Calcutta.

Je dis avec intention : qui descend », car des renseignements positifs que je possède sur l'Inde m'apprennent que le tinkal arrive à Calcutta des provinces d'en haut, et principale-

ment du district nommé Futtyghier, au nord d'Agra. Ces mêmes informations établissent encore que le prix du tinkal a presque doublé depuis deux ans, et que cette hausse pourrait attirer de plus fortes quantités sur le marché de Calcutta ; mais on ajoute qu'une maison de cette ville est chargée par son cor-

respondant d'Angleterre de s'emparer de tout ce qui arrive. C'est le monopole de l'acide borique qui tend encore à monopoliser le tinkal.

Il y a peu d'espoir, par conséquent, que l'adoucissement apporté à notre tarif douanier en faveur du produit indien puisse nous en procurer une importation plus considérable ; car, suivant toute probabilité, si des Français voulaient disputer sur les lieux le tinkal aux monopoleurs de l'acide borique toscan qui l'y accaparent, ces derniers ne le leur céderaient qu'a des prix plus élevés que ceux auxquels ils vendent l'acide borique à Liverpool.

Quant à la découverte de nouveaux gisements, il ne paraît pas vraisemblable qu'elle soit possible en France, ou du moins

que ces gisements s'y présentent dans des conditions qui en permettent l'exploitation. Il suffit pour concevoir les doutes que j'exprime à cet égard d'avoir observé ce qui se passe en Toscane relativement à la production de l'acide borique, et d'avoir recueilli au dehors, sur les diverses questions géologiques qui se rattachent à ce phénomène, certaines informations que je vais exposer sous toutes réserves.