Annales des Mines (1855, série 5, volume 7) [Image 294]

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APPLICATION DU TÉLÉGRAPHE DE M. BONELLI

le même agent aurait alors à manoeuvrer deux disques très-rapprochés. Sans doute, il y aura toujours des accidents sur les chemins de fer. Prétendre les conjurer tous et à coup sûr, serait se bercer d'une chimère, et si quelque chose doit surprendre, c'est que les accidents ne soient pas plus multipliés ; mais s'il y a des chances auxquelles on doit se résigner, il en est d'autres auxquelles l'esprit refuse de se soumettre, et ce sont précisément celles

qui entraînent les désastres les plus terribles et les

plus fréquents. Personne n'accepte comme cas de force majeure des collisions de trains en marche, en dehors des stations, et indépendantes dès lors des causes spéciales de danger inhérentes aux aiguilles. La: raison publique repousse l'assimilation qu'on a voulu établir entre ces désastres et les sinistres en mer. L'homme a la conscience de sa force, et aussi celle de sa faiblesse ; il sent très-bien que contre les éléments déchaînés il ne peut pas être toujours le plus fort ; et là, du moins, il peut encore lutter jusqu'au dernier moment. Je sais tout ce qu'on peut dire de la négligence, du défaut d'intelligence et d'assiduité du personnel subalterne de la voie ; je sais que les gardes de nuit, surtout, sont sujets à caution , qu'ils s'endorment , qu'ils s'absentent souvent de leur poste, en dépit de l'active surveillance des piqueurs, et que le chiffre élevé des amendes témoigne à cet égard d'un défaut de discipline

d'autant plus grave qu'il s'agit de l'existence même des voyageurs. Mais qu'est-ce que cela prouve ?

D'abord si le personnel n'inspire qu'une médiocre confiance, raison de plus pour le multiplier ; pour suppléer à la qualité par le nombre ; et surtout pour rendre bien plus facile et bien plus sûre, par le fait même de

AU SERVICE DES CHEMINS DE FER.

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la position rigoureusement déterminée des postes de signaux les plus importants, la surveillance à exercer SUIS ces agents.

L'objection dont il s'agit trahit d'ailleurs un vice organique d'une gravité réelle. Si la situation faite aux gardes-lignes, et principalement aux gardes de nuit, est

trop précaire, si leur service est trop chargé, si ces conditions ne permettent pas de les recruter parmi des sujets offrant les garanties nécessaires, qu'on améliore ces conditions, et qu'on applique aux manquements de

service une pénalité moins disproportionnée que de simples amendes, à la gravité du délit. 12. Quelle que puisse être d'ailleurs la vigilance du

personnel, l'organisation actuelle n'en est pas moins insuffisante et incomplète dans les circonstances ordinaires (i o), et décidément en défaut dans le cas assez fréquent d'un brouillard épais. Les signaux visuels sont alors très-peu perceptibles, et de plus ils se confondent ; la lumière blanche passant presque au rouge, la couleur d'arrêt perd sa signification. Lancé ainsi à l'aventure, dans les nuages, le train envierait presque le sort d'un navire voguant au milieu des écueils. Rien de plus pénible que la situation du mécanicien chargé alors de la conduite d'un express. Livré à des perplexités continuelles, partagé entre la crainte de rencontrer un train à l'avant s'il soutient sa vitesse (ce que l'état des rails rend souvent fort difficile), et la crainte d'être rencontré à l'arrière s'il ralentit sa marche, il n'a pas même la liberté d'esprit que réclame la conduite proprement dite de la machine. C'est le brouillard qui fait des mois d'octobre et de novembre une période vraiment critique pour les chemins de fer. 15. Qu'oppose-t-on à cette cause de dangers? de