Annales des Mines (1853, série 5, volume 4) [Image 49]

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EXPLOSION DU BATEAU A VAPEUR

Les autorités locales s'en sont vivement préoccupées, et le dossier volumineux qui a été transmis par M. le ministre des travaux publics à la commission centrale des machines à vapeur comprend, entre autres 10 Plusieurs lettres de M. le sous-préfet de Tournon à M. le préfet de l'Ardèche ; 20 Les rapports de M. le procureur impérial de Tournon à M. le procureur général de la cour d'appel de Nîmes, et une lettre de ce dernier magistrat à M. le ministre de la justice ; 3" Un rapport de M. l'ingénieur ordinaire des ponts et chaussées à la résidence de Tournon ; 4° Enfin le rapport de M. l'ingénieur ordinaire des mines à la résidence de Lyon, et l'avis conforme de la commission de surveillance des bateaux à vapeur du département du Rhône. Ce dernier travail, à l'appui duquel on a joint sept dessins

exécutés par M. le garde-mines Rouet, entre dans les plus grands détails sur la manière dont les choses se sont passées, et ne peut laisser aucun doute sur les causes qui ont amené ce malheureux événement.

Il est parfaitement établi que ces causes ne doivent être

cherchées ni dans un défaut d'alimentation des chaudières, ni dans le mauvais état des soupapes ou des autres appareils de sûreté, ni dans une infraction quelconque aux règlements, mais seulement dans l'insuffisance de certaines armatures qui, fatiguées par une charge permanente atteignant, si même elle ne la dépassait pas, la limite de l'élascité, ont fini, à un moment donné, par céder sous cette charge sans cause déterminante bien appréciable. L'ingénieur des ponts et chaussées et le garde-mines sont arrivés, par des considérations un peu différentes, à cette même conclusion que l'accident devait arriver tôt ou tard, et était pour ainsi dire imminent toutes les fois que la vapeur atteignait dans la chaudière la limite de pression, c'est-à-dire une

demi-atmosphère effective. La commission de surveillance de Lyon propose à l'unanimité de supprimer l'article 28 de l'ordonnance réglementaire

du 25 mai 1845 , et de soumettre les chaudières de bateau à faces planes aux épreuves exigées par la même ordonnance. (Toutefois, M. l'ingénieur en chef des ponts et chaussées, président de cette commission, exprime dans sa lettre d'envoi, l'avis que clans le but de rendre la mesure moins rétroactive pour les

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89 chaudières construites sous le régime de cette ordonnance et en activité de service, on devrait se contenter d'une pression double de la pression effective au lieu d'une pression triple.) ...... La suppression de l'article 28 de l'ordonnance de 1843 est une question qui mérite d'être sérieusement examinée, et

une étude approfondie conduira, sinon peut être à la suppression complète, au moins à une modification importante.

Si l'on avait pu penser qu'une chaudière, par cela seul qu'elle est à basse pression, ne peut, en cas d'explosion, produire des effets désastreux, l'affaire qui nous occupe aujourd'hui montrerait une fois de plus combien cette opinion est erronée. Il est facile d'ailleurs de s'en rendre compte, en calculant la quantité de vapeur qui se forme presque instantanément au moment où l'eau de la chaudière revient à la simple pression atmosphérique et à la température correspondante de 100°.

Dira-t-on que l'épreuve à une pression triple risquera plus d'énerver les éléments d'une chaudière à parois planes que

ceux d'une chaudière cylindrique ? Il est évident qu'il n'en est rien, au moins pour les faces planes convenablement armées et entretoisées; les épreuves (à une pression double seulement, il est vrai ) auxquelles sont journellement soumises les chaudières de locomotives qui, elles aussi, ont des surfaces planes, le démontrent suffisamment. On s'en rend compte également par des considérations théoriques en considérant, ce qui n'est qu'approché, une bande de la paroi plane comprise entre deux lignes d'entretoises, comme un solide encastré d'une largeur indéfinie, d'uneépaisseur égale à celle de la tôle, et d'une longueur égale à la distance de ces lignes d'entretoises. On reconnaît ainsi facilement : 10 que l'épaisseur de la tôle doit varier proportionnellement à la distance entre les entretoises et à la racine carrée de la pression effective dans la chaudière; 20 que pour une chaudière donnée la fatigue maximum des fibres de la tôle croît proportionnellement à la pression effective.

On conclut de ce dernier résultat qu'en soumettant une

chaudière à parois planes convenablement entretoisées à une pression double ou triple, on ne fait supporter aux fibres les plus exposées qu'un effort double ou triple de celui qui est dû à la pression perrnanente , absolument comme pour une chaudière cylindrique.