Annales des Mines (1843, série 4, volume 4) [Image 317]

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JURISPRUDENCE 634 composer le mastic dit de Seyssel, en le mélangeant avec une certaine proportion de goudron minéral. D'abord on employa à cet effet le goudron fourni par la couche de molasse bitumineuse ; mais son extraction étant fort coûteuse, on préféra recourir au goudron de Bastennes. Dès lors, l'exploitation de la molasse fut à peu près aban-

donnée, et celle du calcaire, au contraire, fut suivie avec activité. Après avoir traité avec différents propriétaires pour

disposer du calcaire bitumineux, les représentants de l'ancien concessionnaire éprouvèrent , de la part de plusieurs autres, de vives oppositions, lorsqu'ils voulurent porter les travaux sur leurs propriétés. On soutint que la roche calcaire bitumineuse ne faisait pas partie de la concession, qu'elle n'était qu'une carrière ; que fût-elle une mine, les propriétaires de la surface avaient conservé la faculté de l'extraire jusqu'à cent pieds de profondeur,

d'après l'article 1" de la loi du 28 juillet 1791 , sous l'empire de laquelle cette concession avait été instituée. Un procès s'est engagé devant le tribunal de Belley. Ce tribunal a rejeté le moyen tiré de l'article 1" de la

loi de 1791, attendu que cet article a été abrogé par la

loi du 21 avril 1810. Quant à la question du fond , il a, par un avant faire

droit, ordonné une expertise pour constater la nature et le gisement de la roche. Informée de ces contestations, l'administration a dû les évoquer comme étant du ressort administratif. Elle avait été avertie trop tard pour pouvoir présenter un déclinatoire en première instance. Mais la cause allait être portée en appel , et les concessionnaires soutenaient, comme l'administration, l'incompétence des tribunaux.

D'après les instructions qui lui furent données, le

préfet proposa le déclinatoire devant la cour royale de Lyon. Par un arrêt du 19 juillet 1839 , qui fit droit à ses conclusions, les parties furent renvoyées devant le conseil d'État pour faire. expliquer le sens et l'objet de la concession de l'an V.

Les propriétaires de terrains ont soutenu que la roche calcaire imprégnée de bitume n'est point celle à laquelle

on a donné, dans l'arrêté de l'an V, le nom de mine

d'asphalte ; qu'elle n'est point une mine ; que les couches de molasse bitumineuse sont les seules que l'on ait dé-

635 signées sous cette dénomination, et qui soient comprises dans la concession. Ils ont dit qu'on ne connaissait que ces couches quand la concession a été faite ; que le calcaire DES MINES.

n'a été découvert qu'en 1802, que le sieur Secrétan n'a demandé et obtenu, sous le nom de mine d'asphalte, que le goudron minéral mêlé avec du sable, qui constituait des bancs souterrains; tandis que le calcaire est beaucoup plus près de la superficie n'étant ordinairement recouvert que par la terre végétale; qu'il n'y avait de concessibles , sous la loi de 1791 , que les gîtes situés à plus de cent pieds de profondeur i-- que dès lors en accordant une concession, le gouvernement déclarait implicitement ne disposer que du gîte souterrain ; qu'on ne pouvait arguer de la loi du 21 avril 1810 ,(qui a modifié à cet égard la loi de 1791 , pour prétendre que ce qui n'a pas été concédé sous la première de ces lois soit devenu, par les disposi -

tions de la seconde, la propriété des concessionnaires que cela pourrait être vrai, si la nature de la roche de Seyssel était identique à celle des couches de molasse, s'il y avait entre les deux gîtes des rapports de situation qui dussent faire considérer le gîte supérieur comme un affleurement du gîte souterrain ; mais que ces correspon-

dances n'existent pas, qu'il n'y a nulle corrélation de l'un à l'autre, ni similitude dans les produits et leur emploi.

Ils ont ajouté que, pour être qualifiée mine et être soumise à la législation exceptionnelle qui régit ces sortes de gîtes, une masse minérale doit satisfaire à trois conditions de nature, d'agglomération et de situation qu'aucune de ces conditions ne se rencontre dans le cal:

caire de Seyssel.

Il n'appartient point, par sa nature, ont-ils dit, à l'une des espèces désignées dans la nomenclature de l'art. 1 er de la loi de 1791 et de l'art. 2, de la loi de 1810 , car ces lois

n'ont entendu par mines .de bitume que les substances dont on peut ektraire le bitume par les procédés ordinaires pour les livrer au commerce. En d'autres termes, une craie bituminifère peut bien être considérée comme gîte de bitume, mais à cette condition seulement qu'il y ait plus d'avantage à en retirer ce minerai qu'à employer la roche elle-même dans- son état de combinaison. S'il suffisait, pour faire déclarer mine une substance , qu'elle renfermât dans sa contexture quelques faibles parties de