Annales des Mines (1843, série 4, volume 4) [Image 315]

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JURISPRUDENCE

térêt public on jugeait à propos de faire la concession de la mine à un autre que le propriétaire, celui-ci conservait cependant des avantages et des garanties. Cet article a séparé les deux propriétés ; il a voulu que celle du sol superficiel ne fût point sacrifiée à l'autre. Cela est tellement dans la pensée du législateur que, d'après Far ticle 18 , l'indemnité réglée en vertu de l'article 6, pour le propriétaire de la surface , demeure réunie à la valeur de celle-ci pour être affectée avec elle aux hypothèques prises par les créanciers de ce propriétaire, et qu'aux termes du second paragraphe de l'article 19, ce règlement a lieu, même dans le cas où la concession est faite au propriétaire de la surface. La distinction entre les deux propriétés est donc incontestable, mais elle ne saurait avoir les conséquences qu'on aurait voulu y atta-

cher. Dans le système de la loi, chacun agit dans la

sphère des droits qu'elle lui confère : le concessionnaire, en exploitant la mine partout où elle est, soit à ciel ou-' vert , soit par puits ou galeries, selon son gisement ; le propriétaire de la surface en obligeant, dans certains cas, le concessionnaire à acquérir cette surface et à la payer. au double de sa valeur. De ce qu'une redevance a été imposée au concessionnaire en faveur du propriétaire du sol, par l'acte de concession, il ne s'ensuit pas que ce dernier puisse se considérer comme étant propriétaire aussi de.la

mine. On vient de voir, en effet, qu'il n'en est rien, et,' que si ce propriétaire peut dans quelques circonstances exiger qu'on achète son terrain, le concessionnaire n'est. dans aucun cas tenu de procéder vis-à-vis de lui par la voie de l'expropriation pour exploiter la mine dont il a obtenu la concession en vertu de la loi ; et qui est ainsi devenue pour lui une .propriété également sacrée. La loi a considéré deux ordres de choses fort distincts. Elle a montré une sollicitude prévoyante pour chacun d'eux ; mais les droits qui sont inhérents à l'un et à l'autre doivent, se renfermer dans les limites qu'elle a tracées. Mais, a-t-on dit, puisque d'après l'article 18, l'indemnité réglée en vertu de l'article 6, pour le propriétaire de la surface, doit demeurer réunie à la valeur de celle-ci pour être affectée avec elle aux hypothèques prises par les créanciers du propriétaire, la conséquence de cette disposition, c'est que la surface ne peut jamais être con-

DES MINES.

631 cédée ; qu'elle reste toujours à son propriétaire ; que le concessionnaire n'y a aucun droit ; que ce sont deux propriétés perpétuellement distinctes. L'indemnité accordée au propriétaire de la surface représente les droits que la loi lui attribue sur les produits des mines concédées (art. 6 de la loi de 1810).11 était inutile de les lui reconnaître, et de dire qu'on les réglerait par l'acte de, concession, s'il pouvait exploiter lui-même sans concession ; cette faculté eût été, tout à fait contraire au système général de la loi qui n'admet pas que le propriétaire de la surface ait à ce titre un droit de préférence, et qui s'oppose à ce que les mines soient exploitées par d'autres que les concessionnaires. S'il y a distinction des

deux propriétés, cette distinction ne donne nullement au propriétaire un droit d'exploitation qu'une concession seule pourrait lui attribuer ; elle peut cesser enfin lorsque le concessionnaire, usant de son droit , exploite la partie superficielle, ou bien lorsque le propriétaire de la surface

exige que le concessionnaire en fasse l'acquisition alors les deux propriétés sont réunies dans les mêmes mains.

D'après les considérations qu'on vient d'exposer, gîtes de bitume de Bastennes ont dû être concédés (bien qu'à l'époque de la concession ils fussent exploitables à ciel ouvert) , comme l'avaient été, en 1823, la mine de manganèse de la Romanèche , en 1825 et 1827, les schistes bitumineux de Mena t. La question n'était pas de savoircomment on ex ploi terait,

à ciel ouvert ou par des puits, galeries et autres travaux d'art, mais bien de juger si cette substance était rangée par

la loi dans la classe des mines. Or le bitume, comme le manganèse, se trouve dans la nomenclature de l'article 2. Peu importe quel est son gisement, le mode de l'extraclion ; tout cela est étranger à la règle générale qui veut que l'on concède,parce que c'est du bitume qu'on obtient et qu'il y a utilité publique à l'exploiter. La loi de 181.0 a créé par la concession des mines une propriété nouvelle et indépendante de la propriété du sol. Elle a dérogé, en vue (le l'intérêt général, à la règle posée par le Code civil. Elle s'est exécutée nonobstant. quelques réclamations qui n'étaient nullement fondées. On n'a point voulu, et avec raisdn laisser à la propriété de la surface une liberté absolue, dont l'exercice fut, à di-