Annales des Mines (1842, série 4, volume 1) [Image 385]

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JURISPRUDEXCE 768 ment tendant, soit à une limitation d'une manière absolue, et à toujours, de la quantité de minerai nécessaire au fourneau du Chantay, sou à la désignation des emplacements où l'extraction aurait exclusivement lieu ; 2° Que le tribunal était incompétent pour s'occuper, en quoi que ce fût de régler le mode d'exploitation concurrente sur le même fonds des fourneaux de Salles et de Chantay ; 3 Renvoie les intimés à se pourvoir à cet égard devant l'administration , etc. » La cour, on le voit, a reconnu qu'il résultait bien du traité invoqué une servitude en faveur du fourneau de

Chanta-y, et qu'en thèse générale c'est aux tribunaux à prononcer sur les questions de servitude; mais elle a considéré qu'il ne leur appartient pas de s'occuper de mesures ayant pour objet des points spéciaux dont la loi, par des considérations d'intérêt public , aurait réservé la connaissance à

l'administration ; que d'une part , dans l'espèce, la convention du 27 septembre 1787 ayant conféré d'une manière précise aux possesseurs de l'usine de Chantay le droit d'exploiter dans les terres de Salles et de Bernay tout le minerai dont ils auraient besoin, il n'y avait point lieu, Far les tribunaux, de modifier ces conventions des parties ; que d'un autre côté, s'il devenait nécessaire , à raison de la concurrence existante entre la nouvelle usine et l'ancienne, de régler les proportions dans lesquelles chacune d'elles Fourrait exploiter sur ces terrains, c'était à l'administration seule, d'après l'article 64 de la loi du 21 avril 1810, qu'il appartenait de statuer ; que le tribunal de SaintAmand avait ainsi excédé sa compétence, en ordonnant une expertise pour faire le règlement. En conséquence la cour de Bourges a annulé le jugement et a renvoyé les parties à se présenter devant l'administration. Les sieurs de Montsaulnin et de Rolland se sont pourvus en cassation. Es ont soutenu de nouveau qu'il ne s'agissait pas ici d'une application de la loi de 1810. Lorsqu'il n'existe, , aucune stipulation entre le propriétaire du terrain et les maîtres de forges l'administration peut , à défaut par le propriétaire d'exploiter lui-même, donner une permission aux chefs d'usines, et, en cas de concurrence, régler les parts revenant à chaque forge. Mais quand

le droit du maître de forge sur le minerai est le résultat d'une convention entre lui et le propriétaire, alors les dis-

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eussions relatives au mode d'exercice de cette servitude constituent un débat d'intérêts privés, dont la connaissance appartient exclusivement aux tribunaux ordinaires. Telles sont précisément, ajoutaient-ils , les circonstances de la cause : il y est uniquement question d'interpréter l'acte du 27 septembre 1787, de savoir si les sieurs Dupin et Revenaz , qui ont, aux termes de cet acte, le droit d'user du minerai de Salles et de Bernay, peuvent, en augmentant leur exploitation, aggraver la servitude au détriment des propriétaires du fonds; c'était à l'autorité judiciaire à le décider. La cour de Bourges, en annulant le jugement du tribunal de première instance et en renvoyant les parties devant l'administration , avait donc faussement appliqué l'article 64 de la loi du 21 avril 1810.

Enfin, ils prétendaient que ce même arrêt avait re-

connu à tort aux sieurs Dupin et Revenaz un droit illimité d'exploitation, tandis que l'intention des parties , en faisant la convention de 1787, avait dû être que ce droit fût borné aux besoins de l'usine tels qu'ils se trouvaient au .moment même de cette convention ; qu'ainsi, sous ce second rapport, la cour de Bourges avait encore mal jugé, fait violation de l'article 702 du Code civil, lequel dispose que celui qui a un droit de servitude ne peut en user que suivant son titre, sans pouvoir opérer ni dans le fonds qui doit la servitude, ni dans le fonds à qui elle est due , de changement qui aggrave la condition du premier. La cour de cassation a rendu, le 9 février 1842, l'arrêt suivant .

Sur le premier moyen : attendu en fait que la cour royale de Bourges déclare, par une interprétation qui lui appartient souverainement, que le titre du 27 septembre 1787, invoqué par toutes les parties, offre un sens clair et précis , et qu'il en résulte pour les défendeurs actuels le droit de faire extraire à perpétuité des terres de Salles et de Bernay ( à l'exception du bois de la Cornée ) tout le minerai qui sera nécessaire pour l'approvisionnement du fourneau de Chantay ; qu'en décidant en droit qu'à rai de la concurrence d'exploitation dans ces mêmes ter -es entre ledit fourneau de Chantay et celui de Salles, l'article 64 de la loi du 21 avril 1810 charge spécialement l'administration de déterminer les proportions dans lesquelles chaque maître de forges pourra exploiter, et en renvoyant en conséquence les parties à se pourvoir devant