Annales des Mines (1839, série 3, volume 15) [Image 339]

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JURISPRUDENCE MINES ET USINES. - TRANSMISSION DE PROPRIÉTÉ.

Les dispositions de l'arrêté du directoire exécutif, du 3 nivôse an , qui exigeaient que les trans, ports, cessions, ventes ou autres actes translatifs de l'exercice des droits accordés par les concessions de mines et permissions d'usines, fussent soumises à l'approbation du gouvernement, ont été abrogées par la loi du 21 avril 1810.

Une ordonnance royale, du 4 avril 1833, a autorisé M. Duplessis à établir deux lavoirs à mines sur un terrain dont il était propriétaire dans la commune de la ChapelleSaint-Quillam , département de la Haute-Saône.

M. Duplessis a légué, en mourant, cette usine à son frère, et a institué, pour usufruitiers de prés qui existent à. l'entour, M. et madame Travault. Ces derniers, quelque temps après, se sont plaints de ce que le lavage du minerai nuisait à la prairie qui borde le cours d'eau et les empêchait de jouir de leur usufruit. Ils ont porté une action devant les tribunaux, en adressant en même temps au préfet de la Haute-Saône une demande tendant à la suppression des lavoirs. Dans leur réclamation au préfet, ils soutenaient que l'existence de ces ateliers était irrégulière, attendu que l'ai, rêté du directoire exécutif, du 3 nivôse an VI, voulait

que tout héritier d'une mine ou d'une usine sollicitât

dans les six mois de l'ouverture de la succession, une autorisation nouvelle, et que cette formalité n'avait pas été remplie par le frère de M. Duplessis. La question de savoir si le préjudice causé par les lavoirs devait être regardé comme une servitude attachée à

l'usufruit qui avait été légué, était de la compétence de l'autorité judiciaire, et elle s'en trouvait saisie. L'administration n'avait à examiner que la seconde question soulevée en ce qui concernait les anciennes prescriptions de l'arrêté de l'an VI. Le préfet, considérant que cet arrêté avait été abrogé par la loi du 21 avril 1810, rejeta la demande de M. et madame Travault. Réclamation devant le ministre des travaux publics, de l'agriculture et du commerce ; mais le ministre, sur le rap-

DES MINES. 669 port du directeur général des ponts-et-chaussées et des mines, maintint la décision du préfét. M. et madame Travault se sont alors pourvus, par la voie contentieuse, devant le conseil d'état. Une ordonnance royale, du 21 juin 1839, a rejeté leur par ces motifs que les lavoirs dont il s'agit avaient été légarequête' lement établis, et qu'aux termes de l'article 76 de la loi du 21 avril 1810, il n'était pas nécessaire, pour en conti-

nuer l'exploitation, que le légataire de M. Duplessis se munît d'une nouvelle permission (1).

ji suit de cette décision que les dispositions de l'arrêté de l'an VI ne sont plus en vigueur. Comme cet arrêté s'appliquait à la fois aux cessions par hérédité, vente ou donation de mines ou d'usines, nous ajouterons ici quelques réflexions sous ce double point de vue. En ce qui concerne les mines , l'article 7 de la loi du 21 avril 1810 porte textuellement que l'acte de concession

confère la propriété perpétuelle de la mine, laquelle est dès lors disponible et transmissible comme tous autres biens. Cette disposition exclut toute obligation , de la part des ayants droit du concessionnaire, de se pourvoir d'un titre nouveau. Il n'y a qu'un seul cas, suivant le même article, oit une autorisation du gouvernement soit nécessaire : c'est lorsqu'on veut partager une concession ou la vendre par lots. Comme les mines ne sont pas susceptibles des mêmes divisions que la superficie ; comme elles exigent,

pour être exploitées , un champ d'extraction convenable, qui permette de poursuivre les amas, couches ou filons dans leurs dispositions et leurs directions variables , d'établir les travaux indispensables à l'aérage, à l'épuisement des eaux

, etc. , on a dû en faire une propriété distincte

du sol ; et lorsqu'on institue une concession , on a soin

d'en déterminer l'étendue de manière à ce qu'elle satisfasse,

sous ces divers rapports, à ce que réclame la nature du gîte. Mais si, quand la concession est établie, le concessionnaire avait la faculté de la diviser à son gré, il est clair que toutes ces précautions se trouveraient éludées, et que l'aménagement des mines pourrait être compromis par des morcellements opérés sans prévoyance et dictés par l'intérêt du moment. Lors donc que le titulaire d'une (i) Voir cette ordonnance, ci-après, page 744.